Jacqueline Devreux, peintre et photographe Bruxelloise nous présente sa série photo portrait J’aurai ta peau.
Pouvez-vous nous parler un peu de vous et de votre série ?
Je photographiais bien avant de peindre, bien que mon activité principale fut longtemps la peinture.
A la maison, la photographie n’avait pas sa place, elle était inexistante.
C’est à la fin de l’adolescence que je me suis procurée mon premier appareil photo.
Tout a commencé il y a plus de trente ans avec l’ envie, le désir, et surtout l’urgence de combler ce vide. L’ idée me vint de réaliser mon premier album de famille « imaginaire », constitué d’autoportraits réels et d’images factices, fictives relatives à ma vie d’enfant, de jeune fille et de femme naissante.
Mais à l’ époque, je n’étais pas sûre de moi et tout en gardant précieusement ces premières images, je n’ai jamais eu l’audace de leur attribuer une valeur propre.




L’autoportrait fut une source d’inspiration offrant de multiples possibilités.Je prenais mon image photographiée comme modèle. En étant moi-même l’objet de représentation, je dictais ma conduite sans devoir gérer d’interaction extérieure et laissais libre cours ensuite à toute possibilité de réinterprétation de l’image figée.
La photographie prenait une valeur documentaire, elle contribuait à construire des compositions picturales, mais son importance passait inaperçue car elle était ignorée de l’amateur admirant les tableaux.
Récemment, j’ai eu envie de pousser mes recherches plus loin avec l’intention que ces photographies résonnent seules. Sortir de l’atelier et trouver des partenaires de jeux : Les Modèles.
Collaboration et confiance sont les mots d’ordre entre nous.
En photographie, il faut composer avec le modèle, il n’y a jamais de regard unique à l’inverse de la peinture. Il y a faire un tableau, et prendre photographie. L’approche du modèle est bien différente.
Rencontre et négociation de deux désirs. Celui de photographier, et, celui de se faire photographier. Je suis toujours fascinée par le regard des individus photographiés.
Ce regard qu’il dirige vers moi, deviendra ce même regard vers chacun des spectateurs.. On pense regarder la photographie et aussitôt, c’est elle qui vous regarde.
« J’aurai ta peau », c’est une confrontation entre les modèles et moi, mêlé à mon parcours de femme peintre et de femme tout court.
Voilà ce que je dirais, si devais vous parler de moi.


Que ce soit dans vos photos ou dans vos peintures/dessins le thème récurrent est la femme et la nudité, pouvez vous nous parler de ce choix ?
Je ne photographie pas que des femmes, je photographie des hommes très souvent. Je ne dresse aucune catégorie à ce sujet, aucune barrière entre les sexes. De nombreux portraits d’hommes sont en cours de réalisation, le casting est long et difficile.
Par exemple, dans la série « J’aurai ta peau », une photographie présente un couple où l’homme est omniprésent. C’est à mon gout une de mes plus belles images. Bien que représenté au second plan de l’image, le portrait de cet homme prédomine. Son regard est intense, et dans l’espace réduit dans lequel les deux personnages sont mis en situation, il a la place en vue. L’utilisation du noir et blanc met en exergue cette représentation.




Mais il est vrai qu’à ce stade de mon travail photographique, j’ai pris la décision de focaliser mon attention sur les femmes, cela s’imposait. Chaque cycle de l’existence d’une femme se dévoile à travers une panoplie de visages. Chacun des stades traversés au fil de la vie est représenté, sans que cette volonté n’ait été délibérée. Fillettes, jeunes filles, jeunes femmes, femmes offrent une présence charnelle, une véracité physique.
Pris dans son ensemble, le langage corporel de chacun des modèles exprime un panel d’émotions variable.
Je ne déshabille pas les modèles, elles se déshabillent toutes seules. Et lorsqu’elles sont nues, je ne parlerais pas de nudité, mais toujours de portraits.
« J’aurai ta peau » pour l’instant ne présente que les premiers portraits féminins, ce thème démarre une longue approche humaine qui ne s’arrêtera pas à une confrontation des sexes.


Être une photographe est-il un atout pour travailler sur ce type de photo avec des femmes ?
Y’a t’il une différence entre le regard masculin et féminin sur le corps féminin ? Je ne pense pas qu’il y ait une photographie féminine. Je ne sépare pas les hommes des femmes. Nous sommes dans un espace de liberté. Je redoute toutes ces catégories absurdes. J’ai été conditionnée petite dans des rôles qui ne me correspondaient pas.
J’aime les femmes, j’aime les hommes, je fais des images pour les sublimer à ma manière.
Pour obtenir un portrait je ne charme pas, je ne séduis pas. Je m’intéresse aux personnes sincèrement.
Parfois ça se passe, j’obtiens des images, parfois cela ne se passe pas . Mais ça n’a pas beaucoup d’importance, sachant que rien ne se commande. Je ne fais pas de la photographie reportage.


Quels conseils donneriez-vous à un jeune photographe qui souhaite réussir dans le milieu ?
“Fais apparaître ce qui sans toi ne serait peut-être jamais vu” Robert Bresson.

Jacqueline Devreux présentera « j’aurai ta peau et « les couples improbables », mais également de nouvelles toiles et dessins
du 23 février au 18 mars 2017
à la galerie Rauchfeld, 22 rue de Seine, Paris VIème
Retrouvez le travail de Jacqueline Devreux sur son site
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