
Parue en 2009 et récompensée par le prix Hasselblad Masters Awards, la série « Dust » sort tout droit d’un rêve. Les corps nus des modèles recouverts de cendre s’élancent dans les airs dans un ballet onirique, projetant des volutes de poussières autour d’eux.
La photographie ci-dessus est une photographie exclusive d’Olivier Valsecchi, intitulée Mantra of Light.
Nous avons eu le plaisir d’interviewer l’auteur de cette série, le photographe Olivier Valsecchi, qui a accepté de nous en dire plus sur son oeuvre, ses inspirations ainsi que les difficultés rencontrées.

– Quand et comment avez-vous commencé la photographie ?
Je dis toujours que j’ai commencé à 27 ans, ce qui est faux puisque j’avais fait énormément de photos avant. A 27 ans je suis entré à l’école de photographie ETPA pour être au point techniquement et aller plus loin. Là j’ai compris que j’étais vraiment photographe, et pas simplement que j’aimais faire des photos.
– Qu’est-ce qui vous a inspiré pour créer la série « Dust » ?
On m’a prêté des inspirations curieuses, notamment le film « 300 » que je n’ai jamais vu en entier, je me suis endormi au bout de dix minutes, ou encore l’artiste Bill Viola dont j’avoue que je ne connaissais pas du tout l’oeuvre à l’époque car c’est un artiste contemporain qui utilise beaucoup la vidéo et les installations et ces médiums ne sont pas ma tasse de thé. Mais je partage absolument les thèmes qu’il aborde dans son oeuvre.
En fait il faut savoir que j’ai réalisé cette série à l’école, la dernière année de mon cursus. J’étais encadré, par un prof notamment, qui est une véritable encyclopédie de la photographie. J’avais envie d’une ambiance vaporeuse, d’un brouillard. J’ai d’abord pensé à des fumigènes. Et puis, vous savez on peut être fasciné par peu de choses : il y avait ce feu de cheminée chez mes parents et quand il s’est éteint, j’ai contemplé les cendres, comme si c’était la première fois que j’en voyais. J’ai visualisé des images dans ma tête. J’ai fait une première séance complètement ratée, je n’avais pas encore défini le dogme de la série, je ne savais pas encore où j’allais avec cette matière ; ça fait partie de la recherche, de se tromper. Je n’avais pas de repères par rapport à cette idée, donc un immense champ des possibles.
J’ai donc fait une seconde séance et au fur et à mesure je sentais que je me rapprochais de mon idéal, et j’ai eu ma première image au bout de 5 heures. Mon prof était assez en colère parce que j’avais mis le studio dans un état lamentable, mais il m’a dit : « J’avoue que je n’ai jamais vu ça, alors continue ! »
Aujourd’hui ça peut paraître décalé de dire ça, parce que le concept s’est propagé. Mais à l’époque c’était nouveau, et c’est ce qui m’a permis de me faire connaître.

– Quel matériel avez-vous utilisé ? Quels sont vos objectifs fétiches ?
J’ai shooté avec un Hasselblad 503CW + dos numérique et un objectif 100mm. Aujourd’hui j’utilise beaucoup le 85mm.
– Pouvez-vous nous décrire le déroulement d’un shoot ? Combien de temps vous faut-il pour créer un cliché ?
La première demi-heure, on n’obtient rien. Parce que c’est le temps qu’il faut pour que le modèle soit entièrement recouvert de cendres et que sa peau ait cette tonalité grisâtre. Donc le modèle joue un peu comme dans un bac à sable, pour oublier sa nudité d’une part, puis se familiariser avec la matière.
Ensuite le travail de mouvement commence, je montre quelques positions, comment tourner sur soi-même, quelle direction je veux. Une fois que le modèle est à l’aise et s’est bien approprié les gestes, on passe au niveau supérieur, c’est-à-dire : comment provoquer un effet de cendres intéressant ? La part de hasard entre en jeu. C’est à la fois frustrant et excitant. Parfois la cendre fait des volutes surprenantes mais la position du modèle n’est pas terrible, à l’inverse la position du modèle est parfaite mais la poussière ne fait rien de spécial. Il faut être exigeant.
Un shoot dure au moins 3 heures pour que chacun de ces paramètres se mette en place et génère une sorte de transe. Le shoot le plus long a duré 7 heures. Je ne pouvais plus arrêter la modèle, elle était devenue folle.

– Faites-vous beaucoup de post-traitement sur vos photographies ? Quels logiciels utilisez-vous ?
Quand j’ai sorti la série en 2009 on m’a beaucoup demandé si c’était du Photoshop, parce que ça sortait de l’ordinaire et tout ce qui est hors-norme est suspecté d’être faux. J’ai travaillé à l’ancienne : je voulais ma photo en direct, parce que les conditions en direct étaient suffisamment spectaculaires pour se passer de la retouche, si ce n’est un petit travail de chromie pour ajuster la tonalité entre les photos.
Pour « Klecksography » j’ai poussé le bouchon encore plus loin en imitant le photomontage, alors que là aussi c’est fait en direct. C’est amusant, quand les gens se posent la question de savoir comment c’est fait. C’est aussi l’éducation que j’ai reçue à l’école : moins il y a de traitement, mieux c’est. Aujourd’hui je m’ouvre davantage à la retouche, notamment sur « Drifting » où le post-traitement est plus important.

– Votre série « Dust » a inspiré de nombreux photographes. Qu’en pensez-vous ?
Tout dépend du degré d’inspiration. Si c’est pour en faire quelque chose de différent et de personnel, c’est bien, ça fait partie du processus de création. C’est même nécessaire, que les artistes se fassent référence entre eux, que ce soit dans la peinture, dans le cinéma, ça crée de la profondeur, des courants.
Mais il y a une nuance subtile entre « inspiration » et « imitation », une nuance que certains ne comprennent pas. En musique c’est beaucoup mieux défini : il y a les chansons originales, et les reprises. Certaines reprises sont très réussies, d’autres sont plates et sans saveur.

– Pouvez-vous nous parler de la série « Time of War » qui fait partie du même projet que « Dust » ? Comment ces deux séries se complètent-elles ?
C’est une énergie différente. Dans « Dust », je voulais des corps abandonnés, épuisés, fantomatiques, presque flottants dans l’eau. Et puis on est influencé par l’environnement, par les circonstances sociales. En 2012, il y avait beaucoup de colère dans la rue, la crise, les conflits sociaux, j’ai absorbé tout ça comme une éponge et j’avais besoin d’exploser. J’ai pensé que le concept « Dust » pouvait être revisité avec cette humeur guerrière.
Le casting est beaucoup plus radical, les modèles sont davantage incarnés par cette force conquérante, et j’ai aussi intégré des vues plus en portrait. J’avais besoin d’être au cœur de cette guerre, de m’en rapprocher. Je trouve intéressant qu’un même projet puisse offrir une panoplie de sentiments variés, tout en restant dans une même cohérence.
J’ai beaucoup dit que je ferai un troisième et dernier épisode, comme une conclusion. Dans la mesure où le public est déjà familiarisé avec ce concept, il faudra que ce soit très différent et pour cela, je dois être très différent. Il ne s’agit pas de refaire ce que j’ai déjà fait.
– Quels sont vos projets en cours ? De prochaines expositions prévues ?
En mars j’exposerai à Art Miami avec la galerie « Opiom ». Il y aura également une exposition à Lille puis une à Cannes en septembre. Actuellement je travaille sur une série de portraits, pour changer, et parallèlement sur une autre série qui a lieu dans une autre époque.

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