A l’occasion de Legacy, la première exposition retrospective, de plus de 40 ans de travaux photographiques et cinématographiques de notre parrain Yann Arthus-Bertrand, retrouvez notre entretien exclusif !
L’ exposition du photographe-réalisateur Yann Arthus-Bertrand aura lieu du 28 juin au 1er décembre 2019 au Toit de la Grande Arche.


(1°52’ S – 36°17’ E).
Né en 1946, Yann Arthus-Bertrand est un photographe et réalisateur français passionné depuis toujours par le monde animal et les espaces naturels. Homme engagé aux multiples casquettes, il est difficile de décrire l’ensemble de son parcours et de son œuvre en quelques lignes. Aujourd’hui, le parrain de grainedephotographe.com, est principalement connu pour ses emblématiques photographies aériennes et la Terre vue du ciel, mais c’est les pieds sur terre qu’il a fait ses débuts en photographie.
En 1976, alors âgé de trente ans, il part vivre pendant 3 ans dans la réserve du Massaï Mara au Kenya accompagné de son épouse, Anne, avec qui il réalisera une étude sur le comportement d’une famille de lions. Pour compléter et consigner ses observations écrites, il fera appel à la photographie. En parallèle, il est également pilote de montgolfière. C’est à ce moment-là que s’offre à lui notre monde vu ciel. Conjuguant ses deux passions, il s’adonne donc à la photographie aérienne et trouve sa vocation : témoigner par l’image de la beauté de la Terre, mais aussi de l’impact de l’homme sur la planète. De ces 3 années au Kenya naîtra en 1981 son tout premier livre : Lions.


Depuis toujours, Yann Arthus-Bertrand est connu pour son engagement pour la cause environnementale. C’est donc tout naturellement qu’il crée en 2005 la fondation Goodplanet.
À l’occasion de l’ouverture de la fondation Goodplanet – Domaine de Longchamp au public le week-end du 13 et 14 mai 2017, nous avons réalisé un petit échange avec cet homme au travail incroyable, afin qu’il nous dise quelques mots sur son futur projet, Woman, mais surtout afin qu’il nous parle de lui. Certaines de nos questions sont directement tirées du questionnaire d’entretien du projet 7 milliards d’autres.
Yann Arthus-Bertrand, de quoi rêviez-vous quand vous étiez enfant ?
Je crois que, quand on est enfant, on rêve à l’instant présent, on rêve aux vacances, on rêve à ses copains. Moi, je ne me suis jamais projeté dans l’avenir, pas du tout, je vivais vraiment l’instant présent. Pour en profiter un maximum.



Êtes-vous heureux ?
J’aimerais bien en tout cas. C’est une chose sur laquelle je travaille, au quotidien, essayer de donner du sens à ce que je fais et d’être heureux. On est jamais heureux, car on est bien trop attaché à faire mieux, à faire plus. C’est peut-être une erreur. Je ne suis pas malheureux, mais je ne pourrais pas dire que je sois heureux, j’essaie. De toute façon, vous savez, je ne sais plus qui disait : “ce qui est important ce n’est pas d’être heureux, ce qui est important c’est le bien.” Je pense que c’est vrai, ça. Ce qui est important, c’est d’être bien dans sa peau, ce n’est pas de chercher absolument le bonheur, même si le bonheur c’est important. Alors peut-être que justement le bien et le bonheur vont de pair.


À quoi avez-vous renoncé ?
Vous savez lorsque l’on a 70 ans, on renonce à tout ce que l’on faisait lorsque l’on avait 20 ans. J’ai renoncé à toute cette vie de liberté que j’avais, alors qu’aujourd’hui, j’ai une vie pleine de responsabilités, avec une fondation, des choses qui doivent être faites… J’ai donc peut-être renoncé à une certaine légèreté.




En 2015, sortie de Human. Ce film documentaire aussi magnifique que bouleversant a été tourné dans 60 pays et retrace les récits d’hommes et de femmes à travers le monde. « Un diptyque de récits et d’images de notre monde offrant une immersion au plus profond de l’être humain » réalisé par Yann Arthus-Bertrand.
Bande annonce officielle de Human de Yann Arthus-Bertrand
Tournage des vues aériennes de Human
Vous avez dit : “Ces paroles d’humanité, dont on a tant besoin aujourd’hui, je pense que les femmes les portent plus que les hommes”. Est-ce pour cette raison, que dans la continuité logique de Human, vous vous êtes tourné vers les femmes avec votre nouveau projet Woman ?
On vit dans un monde dominé par les hommes, qui ont acquis une certaine animalité dans leur façon de régler leurs problèmes.
Quand on regarde le monde avec les yeux ouverts, ce qui est en train de se passer aujourd’hui, ce qu’annoncent les scientifiques, c’est quand même inquiétant. Les changements climatiques, la crise démographique, la crise économique, les réfugiés… tout ça fait que l’on vit dans un monde extrêmement compliqué, et on a du mal à trouver des solutions. On prend des solutions les unes après les autres, à court terme.
Je pense que les femmes ont en elles un gène de protection, de bon sens, elles sont faites comme ça. Je pense que demain, et je le pense sincèrement, on aura besoin du bon sens des femmes, on aura besoin des qualités féminines que, très certainement, les hommes n’ont pas. Je crois que l’on aura besoin de beaucoup plus de féminité dans les gens qui nous dirigent, qui nous guident. On a envie de partir avec des gens que l’on puisse suivre. On le voit bien dans l’état politique actuel. On a besoin d’autres choses. Il y a beaucoup de belles idées et d’utopie là-dedans, mais c’est ce que je pense sincèrement. Et je pense que ce film parle de ça.

(0° 0’ S – 40°22’ E).

Aujourd’hui, il y a beaucoup d’endroits où les femmes se libèrent et s’affirment. Mais il y a aussi beaucoup d’endroits où cela régresse. Plus ça va, plus je m’aperçois que dans beaucoup de pays, les femmes n’ont pas les mêmes droits. Il y a quelque chose qui est très injuste dans notre société. Je lisais, il n’y a pas très longtemps, un article sur les veuves. Lorsque vous êtes veuve en Inde, on vous vole tout. La femme se retrouve sans rien, à l’abandon. En Afrique, c’est la même chose.
C’est effrayant lorsque l’on voit les chiffres des nations unies. Par exemple, les femmes font 50% du travail du monde, mais elles ne possèdent que 1 à 2% des propriétés du monde.
J’aimerais que la perception que l’on a des femmes évolue. Il y a encore tellement de pays où les femmes sont opprimées, et c’est révoltant. D’ailleurs, on voit bien que dans les pays où l’indice de bonheur est le plus élevé, ce sont les pays où la parité est vraiment respectée. Tu éduques un homme, tu éduques un individu. Tu éduques une femme, tu éduques une famille. J’y crois vraiment.


Ce qui est très étonnant, c’est que depuis qu’on a commencé le film avec Anastasia (Mikova) on s’aperçoit qu’il y a une forte demande de la part des femmes qui ont envie de s’exprimer, de parler de tout ça. Dans tous les pays où l’on va, on reçoit des e-mails de gens qui veulent témoigner, phénomène que l’on n’avait pas lors de la réalisation de Human. Les gens qui ont vu Human ont compris ce que l’on pouvait faire, et ce que l’on veut faire avec Woman, et c’est pour cela que l’on a une vraie demande. Woman, ce n’est pas moi qui doit en parler, ce sont toutes les femmes qui vont en parler.


On demande souvent aux femmes d’envisager leur vie si elles avaient été un homme, et vous, comment pensez-vous qu’aurait-été votre vie si vous aviez été une femme ?
Cette question je ne me la pose pas, car c’est une question impossible. Je ne suis pas assez imaginatif. Les femmes sont pour moi un mystère. Mais ce film m’a fait changer d’avis sur ma mère, sur ma femme, sur mes sœurs.


Une dernière question avant de nous quitter, qu’aimeriez-vous changer à votre vie ?
Tellement de choses. Je m’aperçois que ce n’est pas la vie qui a un sens, c’est toi qui donnes du sens à ta vie. J’aimerais être en paix, en paix avec ça. Ce n’est pas très facile, je suis très entrepreneur , je fais beaucoup de choses, et j’aime que celles-ci soient bien faites, et donc ça me stresse certainement. J’aimerais donc me libérer de cela, et je ne sais pas comment faire. J’adore ce que je fais, j’ai une chance inouïe de faire ce métier, j’essaie donc de faire au mieux.
Il y a beaucoup de choses que j’aimerais changer dans ma vie. Mais je n’oublie pas que, moi, j’ai eu l’énorme chance d’avoir le choix. De me dire que tout ce que j’ai fait, c’est moi qui l’ai décidé. La vie ne m’a pas imposé des choses. Peut-être qu’en vieillissant ça change un peu. Je pense qu’il est important de savoir que c’est nous qui prenons la décision de ce que l’on veut faire de notre vie, que l’on n’est pas écrasé par le destin.




(44°31’ N – 110°50’ O).

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