Esthétique résolument rétro, lumière remarquablement travaillée avec précision et délicatesse, le travail photographique de Calypso Mahieu est particulièrement réfléchi. La jeune photographe française, qui vit aujourd’hui entre Paris et Lausanne, a développé son univers bien à elle qui met en valeur corps et attitudes. Bien plus que de simples photos de mode, les clichés de Calypso sont le fruit d’une fascination pour les décennies passées, la lumière et les corps des femmes qu’elle photographies.

Au détour d’un entretien avec l’artiste, celle-ci s’est confiée sur ses influences, ses inspirations ou encore ses projets futurs. Interview à découvrir sans plus attendre !

Phone Game © Calypso Mahieu
Célia Bruneau © Calypso Mahieu
  • Pourriez-vous vous présenter ; comment avez-vous commencé la photographie ?

Je suis née à Paris en 1993, puis j’ai déménagé à mon adolescence dans le sud de la France, près d’Avignon. C’est dans le sud que je me suis ouverte, dans un premier temps à l’art et au design, puis plus tard à la photographie. J’ai toujours apprécié la photo que je regardait essentiellement dans les magazines féminins. Plutôt de la photographie de mode. J’étais surtout fascinée par les corps, les lumières, les attitudes des modèles ; plus que par la mode elle-même.

Mon goût pour l’image ne faisant que accroître, j’ai ensuite étudié la photographie à l’ECAL – l’École Cantonale d’Art de Lausanne – d’où je suis sortie diplômée en 2016. Je me suis inscrite à l’ECAL à l’aveugle, sans trop savoir ce qu’était la photographie. Ça a été pour moi une vraie révélation !

 

photographie de mode prise par Calypso Mahieu
Nouvelle Vague © Calypso Mahieu
  • Comment décriez-vous votre style, l’esthétique qui compose votre travail ?

Je dirais que mes photographies viennent d’une autre époque et ont des vibes rétro. Je ne suis définitivement pas une personne nostalgique. J’aime la période dans laquelle je vis. Je la trouve très inspirante et pleine de merveilleuses recherches et innovations. Cependant, j’ai pu entendre un jour une phrase qui disait « Nous sommes toujours fascinés par la décennie passée ». Je suis une enfant des années 90, fascinée par les années 80, 70 et même encore avant. J’aime m’approprier ces époques et leurs styles très spécifiques. J’aime l’idée que mes photographies pourraient être prises en ces temps là.

Nouvelle Vague © Calypso Mahieu
Nouvelle Vague © Calypso Mahieu
  • Quelles sont vos influences ?

Il y a deux influences majeures qui me poursuivent toujours dans mon travail et qui sont de vraies références pour moi.

Pour la première, il s’agit de la photographie occulte ou photographie transcendantale. Ce type d’images a émergé au début du XIXème siècle, dans les prémices de la photographie. Les gens pensaient alors que l’appareil photographique était une sorte d’outil magique permettant de capturer le monde invisible et l’Au-delà. Aujourd’hui nous savons parfaitement que cette imagerie occulte était réalisée à l’aide d’effets propres à la photographie tels que les photomontages, les doubles expositions, le flou, etc. Je reste néanmoins profondément attirée par l’esthétique de ces images et leur aspect surréaliste.

Je suis également très influencée par la femme que mettaient superbement en scène les photographes Guy Bourdin et Helmut Newton. J’aime leur vision de la femme : libre et affirmée sexuellement, sûre d’elle et déterminée. Je cherche définitivement à tendre vers des modèles façon Bourdin/Newton dans mes photographies de mode, tout en y apportant mon regard et mes aspirations personnelles.

Célia Bruneau © Calypso Mahieu
Célia Bruneau © Calypso Mahieu
Célia Bruneau © Calypso Mahieu
  • De manière générale comment travaillez-vous la lumière sur vos clichés ?

Lorsque j’ai commencé la photographie, j’ai compris, comme tout photographe, que la lumière est l’essence même de l’image. La photographie analogique est, selon moi, la meilleure manière d’appréhender ce phénomène que je trouve magique : c’est une réaction chimique entre la lumière et le négatif. Pour la photographie en noir/blanc, ce qui est mis en lumière dans votre scène brûlera votre négatif et donnera des teintes de blanc/gris à votre image. À l’inverse, les parties ombrées conserveront votre négatif intact et ressortiront noires sur votre photo. Pour moi, tout dépend de la lumière. Elle peut saccager ou complètement sublimer une image. Elle raconte différentes choses en fonction de la façon dont on la travaille.

La lumière me permet de transmettre une émotion, un sentiment, une atmosphère dans mes photographies. Elle est primordiale et varie en fonction de ce que je souhaite raconter. Néanmoins, je ne cache pas ma passion pour les clairs/obscurs et les lumières très dessinées des photographes constructivistes. Ce sont des ambiances qui me parlent beaucoup et auxquelles je reviens le plus souvent.

La Piscine © Calypso Mahieu
La Piscine © Calypso Mahieu
  • Avez-vous des projets pour le futur ?

Je développe, parallèlement à mes projets éditoriaux, un travail personnel traitant de notre rapport à la mort à l’ère du digital. Ce projet tranche radicalement avec ma pratique éditoriale, aussi bien esthétiquement que sémantiquement. Il s’agit d’une réflexion liée à des études réalisées par le réseau social Facebook. En effet, en 2065, Facebook estimerait le nombre de morts supérieur à celui de vivants. Ce phénomène pose la question du souvenir et de la mémoire. Notre existence virtuelle perdure-t-elle au-delà de notre propre vie? Qu’advient-il de ce profil que nous façonnons à notre image le jour où nous trépassons? À travers ce projet, j’explore ces profils fantômes de personnes disparues continuant à être taguées, pokées, notifiées, recevant toujours des demandes d’amitié et des messages privés. Ce travail sera par ailleurs présenté lors des Journées Photographiques de Bienne 2018, festival important de Photographie en Suisse.

Pour conclure, je dirais que la question du lien étroit entre la photographie et la mort m’a toujours profondément fascinée. Mes aspirations pour la photographie occulte en sont d’ailleurs assurément liées.

En me donnant le passé absolu de la pose (aoriste), la photographie me dit la mort au futur. […] Que le sujet en soit déjà mort ou non, toute photographie est cette catastrophe. […] Il y a toujours en elle un écrasement du Temps : cela est mort et cela va mourir. [R.Barthes, La Chambre Claire : note sur la photographie, Gallimard, Paris, 1980, p.150]

La Piscine © Calypso Mahieu
La Piscine © Calypso Mahieu
La Piscine © Calypso Mahieu
Vivid Dreams of Talking Objects © Calypso Mahieu
Nouvelle Vague © Calypso Mahieu

Retrouvez l’ensemble du travail de Calypso Mahieu sur son site, et n’hésitez pas à la suivre sur Instagram et Facebook !

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