Sabine Agostini commence la photographie un peu par accident, de manière naturelle, sans se poser de questions. Guidée et inspirée par d’autres passions parallèles, elle fait de la photographie sa profession en 2019.
Sabine ancre sa photographie dans la nuit et les atmosphères anxiogènes que celle-ci peut procurer. Puisant son inspiration dans le cinéma noir des années 50 et la pop culture des années 80, elle soulève les craintes et les troubles d’une balade solitaire la nuit. D’une théâtralité certaine, ses photos racontent une histoire avec une utilisation proéminente de la lumière comme élément narratif, à mi-chemin entre les films de John Carpenter et le cinéma de David Lynch.
Avec sa série Nightwalkers, elle met en scène des silhouettes perçues dans l’obscurité, plaçant le spectateur dans des tableaux urbains où survient l’inquiétante étrangeté.
« La question n’est pas de savoir ce qui s’est passé, mais ce qui va se passer, charge à chacun d’interpréter. » – Sabine Agostini

Un besoin de photographier
Quand elle photographie, Sabine ressent qu’elle capture un moment qui fait partie d’un vaste tout. Très inspirée par le théâtre et le cinéma, son œuvre est comme un arrêt sur image, une capture d’un moment avec une histoire sous-jacente perceptible. Le médium photographique est pour l’artiste un élément narratif certain.
« Au cours de mes errances nocturnes je m’attarde essentiellement sur les espaces désolés, vidés de toute présence humaine, privés de toute temporalité. Ce dépouillement renforce à mon sens la dramaturgie derrière l’image. L’absence de l’homme, le silence qui se dégage d’une photo où rien ne se passe (pour l’instant!) présente un aspect encore plus mystérieux et inquiétant. » – Sabine Agostini
Nightwalkers, une histoire de silhouettes
La démarche de l’artiste pour sa série Nightwalkers est toutefois légèrement différente. Dans ces photos de rue, les personnages centraux sont des silhouettes occupant le cadre. Ces silhouettes, fugaces, élusives, font survenir comme un malaise existentiel. Elles ne sont que de passage, telles les ombres qu’elles sont. Elles demeurent fantômes.
« Tout est mystère et tout est question. »- Sabine Agostini
« L’idée est de rester dans la suggestion, de conserver une sensation mélancolique d’étrangeté et de jouer avec les codes du cinéma noir, du polar, par le jeu d’éclairage, du cadrage et de la colorimétrie. » – Sabine Agostini
Les sources d’inspirations de Sabine Agostini sont ressenties à travers cette série. Que ce soit le cinéma d’Alfred Hitchcock ou de David Lynch, les toiles d’Edward Hopper, la photographie de Todd Hido; ou encore en littérature avec les polars nordiques ou l’esthétique rétro futuriste de Blade Runner, ces influences se réunissent autour de dénominateurs communs : la lumière et l’atmosphère crépusculaire.

L'importance de la post-production
Pour obtenir le rendu le plus cinématographique possible, Sabine estime que la retouche est une partie essentielle de son travail. Si la photographie en elle-même permet de capturer ces états de solitude, de désespoir et de mal de vivre urbain, la retouche, elle, permet de les renforcer.
« Dans mon travail, la source lumineuse — même infime, joue toujours le premier rôle, qu’il y ait ou non une présence humaine dans le cadre. Elle rythme l’image et se dirige quasiment systématiquement vers celui qui regarde; faisant peut-être de la peinture clair-obscur ma première source d’inspiration. » – Sabine Agostini
La lumière accompagne donc les silhouettes, non seulement révélatrice mais également personnage des histoires de l’artiste. Les couleurs de la lumière suscitent et renforcent l’émotion des scènes selon leur chaleur ou leur intensité. Crainte, mélancolie, mal-être et ambiances sulfureuses ne sont pas photographiés par Sabine mais bel et bien peints par l’artiste.
« Je souhaite d’une certaine manière que le spectateur s’interroge sans cesse sur le dénouement et que la réponse puisse rester ouverte » – Sabine Agostini

Nightwalkers, la photographie de l'inquiétante étrangeté
Des clichés de Sabine peut ressurgir un sentiment d’angoisse, sans pour autant que ce soit une angoisse fondée. Avec Nightwalkers, la familiarité des décors et des silhouettes sans pour autant qu’ils soient définis et distinguables font jouer ce sentiment d’inquiétante étrangeté. Le spectateur est face à son intime, à des lieux qu’il reconnaît sans pouvoir les placer. Cette narration sans dénouement précis que nous fait Sabine Agostini perd le spectateur et nourrit des interrogations certaines face à cette familiarité inquiétante.
À LIRE AUSSI :
- Les Polaroïds de Robby Müller
- Sombre mais envoutante, plongez dans l’atmosphère cinématographique de Filippo Giani
- L’univers cinématographique du photographe de rue Chris Tzoannou
- Viktor Balaguer et la Street Photography cinématographique