Par sa série Anatomie de la mélancolie, Jessica Evrard sonde les profondeurs de l’autoportrait nu. Vous remarquerez sans doute que la photographe n’est pas physiquement présente sur les images. Par là, elle souhaite élargir la définition d’autoportrait. En se nourrissant des faiblesses de ses modèles, Jessica Evrard extériorise ses propres cicatrices émotionnelles.

Interview : Jessica Evrard nous en dit plus sur son parcours et sa série, Anatomie de la mélancolie.

les autoportraits nus de Jessica Evrard
© Jessica Evrard
  • Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Quel est votre parcours ?

Je suis née le 6 Novembre 1981 à Lille. Enfant, j’ai tenté plusieurs activités artistiques (écriture, théâtre, danse) pour pallier la nécessité d’exprimer mes ressentis de petite fille timide et introvertie.
À mes 15 ans, mon père m’a offert un appareil photo et transmis l’une de ses passions, la photographie. J’ai trouvé au travers de cette pratique le moyen d’expression qui me convenait le mieux, car il me permettait de me révéler discrètement, cachée derrière mon appareil. Mes images sont alors très vite devenues mon principal mode de communication avec mes proches. Pour leur manifester certains de mes états d’âmes, j’ai ainsi commencé à me mettre en scène devant mon appareil avec mes premiers autoportraits.
Mon parcours est resté longtemps autodidacte. Ce jusqu’à ce que j’intègre le programme de formation continue « Développer une pratique photographique d’auteur », à l’École supérieure nationale de Photographie d’Arles, en 2014.

 

Photo : Jessica Evrard - Alice Exx
Photo : Jessica Evrard – Alice Exx
  • Si vous deviez définir votre style à nos lecteurs… quels seraient les mots qui vous viennent à l’esprit ?

Pudeur, douceur et contemplation, peut être ? Parler de moi crée toujours un certain malaise et je suis très maladroite lorsqu’il s’agit de définir mon travail.
Je travaille essentiellement sur l’intime et sur les émotions. Certaines personnes assimilent mon travail à de l’art thérapie. Je ne suis en revanche pas psychanalyste, seulement empathique, observatrice et à l’écoute des autres.

  • Quel matériel utilisez-vous ?
Bien que je préfère la prise de vue argentique, je travaille principalement en numérique. C’est uniquement une question de budget. Si j’en avais les moyens, il en serait autrement. J’utilise un reflex full frame (5D Mark III) et 3 objectifs (Canon EF 40 mm pancake f/2.8, Canon 100 mm f/2.8 macro et Canon 24 mm f/1.4).
Photo : Jessica Evrard - Lou Carasco
Photo : Jessica Evrard – Lou Carasco
les autoportraits nus de Jessica Evrard
© Jessica Evrard
  • Pour ces autoportraits nus au sens large, pourquoi avoir choisi de faire poser d’autres personnes plutôt que de poser vous-même ?

J’ai eu envie de tenter d’extérioriser certaines choses différemment, d’une façon moins autocentrée. La photographie est pour moi une thérapie depuis le début, j’ai eu envie de m’essayer à une approche un peu plus cognitive.
À la base, je ne voyais pas cette série comme une représentation de mes propres accablements, mais plutôt comme une exploration. J’établissais un dialogue assez intime, et au fur et à mesure de la discussion, je demandais aux personnes que je photographiais de se replonger dans un état profond de mélancolie en puisant dans ce qu’elles avaient déjà pu vivre et ressentir par le passé.
Je n’ai compris que plus tard que, pour déterminer mes propres faiblesses, je me nourrissais de celles des autres et les emprisonnais dans mon boîtier pour mieux les concrétiser.

Photo : Jessica Evrard - Vera Lavender
Photo : Jessica Evrard – Vera Lavender
  • Pour faire ressortir ce côté très intime, travaillez-vous avec des modèles, des connaissances, des amies ?
Je n’ai pas de critère de sélection particulier, si ce n’est que je recherche des personnes sensibles et sincères avant toute chose. Ce sont donc généralement des personnes, modèles ou non, avec qui j’établis une profonde connexion à la première approche. Le reste suit très naturellement. Certaines personnes qui se sont livrées à moi sont devenues des amies par la suite.
Photo : Jessica Evrard - Laurent Demory
Photo : Jessica Evrard – Laurent Demory
  • J’ai remarqué un sujet masculin (ou deux ?) : que signifie-t-il pour vous ?

Effectivement, il y a un modèle masculin présent dans la série. Laurent a accepté de se prêter à l’expérience et s’est laissé guider. Je n’étais pas habituée à photographier des modèles masculins et j’avais envie de sortir de ma zone de confort. J’ai été agréablement surprise de son implication. Certaines images issues de notre séance ont intégré la série car elles faisaient écho en moi. Je n’ai pas su encore véritablement analyser pourquoi, mais je parviens à établir une projection aussi bien chez des sujets masculins que féminins. À creuser.

  • Votre série est-elle terminée ou toujours en cours ?

La série n’est pas terminée et je suis toujours en recherche de personnes désireuses d’y participer.

Photo : Jessica Evrard - Lily Sly
Photo : Jessica Evrard – Lily Sly

 

les autoportraits nus de Jessica Evrard
© Jessica Evrard – Elisabeth Paquiot

 

Photo : Jessica Evrard - Anwen
Photo : Jessica Evrard – Anwen

 

Photo : Jessica Evrard - Vera Lavender
Photo : Jessica Evrard – Vera Lavender

 

les autoportraits nus de Jessica Evrard
© Jessica Evrard – Coraline Nostria

 

les autoportraits nus de Jessica Evrard
© Jessica Evrard – Lady Heroine

 

Photo : Jessica Evrard - Vera Lavender
Photo : Jessica Evrard – Vera Lavender

 

Photo : Jessica Evrard - Laurent Demory
Photo : Jessica Evrard – Laurent Demory

 

les autoportraits nus de Jessica Evrard
© Jessica Evrard – Elisabeth Paquiot

 

les autoportraits nus de Jessica Evrard
Portrait de Jessica Evrard

Jessica Evrard – Site InternetInstagram !

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