Ce qui n’était au départ qu’un loisir et un moyen d’immortaliser des souvenirs de voyage est rapidement devenu une véritable passion. Bien qu’amatrice, la photographie occupe désormais une part très importante de la vie de Shannon Hinson-Witz, photographe animalière installée à Chicago. Depuis sa plus tendre enfance, l’artiste voue une fascination sans pareil au continent africain, à sa faune, sa flore et à ses habitants. Il n’est alors pas étonnant d’apprendre que Shannon s’y est rendue à de nombreuses reprises. Son dernier projet l’a amenée à plusieurs reprises dans le Parc National du Virunga – en République Démocratique du Congo – sur les traces des gorilles de montagnes – ou dos argentés -, une espèce rarissime en grand danger d’extinction. Accompagnée par les rangers du parc – héros du film documentaire Virunga que nous vous conseillons vivement -, Shannon nous plonge dans le regard et l’intimité de nos grands cousins éloignés.

Rencontre avec la photographe !

portrait de gorille par la photographe Shannon Hinson-Witz
© Shannon Hinson-Witz

Shannon, comment avez-vous commencé la photographie ?

J’ai eu mon premier appareil fin 2014, un Canon 70D, que j’ai acheté à l’occasion d’un voyage en Tanzanie. A chaque fois que je rentrais de voyage je voulais raconter les merveilles que j’avais vues, mais j’échouais misérablement à chaque fois. La photographie procure les images que mes mots ne peuvent transmettre.

Au départ il s’agissait juste d’un moyen de capturer des souvenirs à montrer à mes amis, un loisir en quelque sorte. Mais par la suite, c’est devenu bien plus. J’ai remarqué un intérêt sincère pour mes photos, aussi bien de la part d’amis que d’inconnus. Les gens voulaient en savoir plus sur les lieux et les animaux. C’était à la fois assez surprenant et inattendu.

C’est là que j’ai finalement pris conscience du potentiel que la photographie peut avoir sur les efforts de conservation de l’environnement et de la faune. Désormais, la photographie est bien plus qu’un loisir ! Ça a changé ma façon de penser et ma manière de voir le monde.

Il semble que vous avez beaucoup voyagé en Afrique, qu’est ce qui vous a mené plus particulièrement au Congo ?

Mes amis disent qu’un voyage en Afrique c’est l’expérience d’une vie… à moins que vous ne soyez moi et que cela devienne une expérience renouvelée trois fois par ans !
En grandissant, j’ai développé une passion pour deux choses : la nature et les voyages, particulièrement les voyages en Afrique. J’ai très tôt soupçonné que ma fascination pour ce continent était un effet secondaire de mon amour pour les animaux. J’ai alors commencé à lire chaque livre, chaque magazine, chaque article même, que je trouvais au sujet de l’Afrique et de sa vie sauvage, mais ce n’était toujours pas suffisant. Il fallait que j’aille voir cet endroit par moi-même.

En ce qui concerne le Congo, je pense qu’une part de moi a toujours été attirée par les zones de conflits et de changement. Je ne suis pas sûre de la raison. Peut-être est-ce parce que peu de personnes veulent voyager dans de tels endroits ? Ou peut-être est-ce plus simplement quelque chose comme l’envie de croire en une fin heureuse ? Quelque soient les raisons, c’est finalement les imageries de Mike “Nick” Nichols et Brent Stirton qui ont fini de me convaincre de faire ce long voyage au Congo pour visiter le Parc National du Virunga.

Mes expériences au Congo m’ont apprises bien plus sur moi même et la vie que ce que j’aurais pu imaginer ! Elles ont fait de moi une meilleure personne ainsi qu’une meilleure photographe. Je pense donc que ce qui m’y fait revenir à davantage à voir avec la véritable envie d’une fin heureuse pour un pays qui m’a tant donné.

photographie de gorille au congo © Shannon Hinson-Witz
© Shannon Hinson-Witz

Vous faites principalement de la photographie animalière, qu’est ce qui vous plait tant dans cette pratique ?

J’adore être dans la nature au milieu de la vie sauvage. C’est là que je suis la plus heureuse et où je suis complètement dans le moment. Les animaux, petits ou grands, m’émeuvent tout simplement… C’est un privilège d’être en leur compagnie.

La photographie animalière rime souvent avec inattendu. De manière générale, comment se déroulent vos séances ?

C’est une question intéressante. ! La définition de quelque chose de sauvage c’est justement qu’elle est incontrôlable, déchaînée, naturelle, désinhibée. Ce sont les mots que j’utiliserais pour décrire mes sessions de photo. Je veux que mes photos évoquent des émotions. Je veux qu’elles soient intimes et naturelles alors j’essaie simplement de me fondre dans le décor et de laisser les choses se produire.

Vous planifiez vos sorties ?

Je sais que je suis censée dire que je planifie tout et la planification est essentielle pour prendre la bonne photo. Mais je ne le fais pas car ça ne fonctionne pas pour moi. Ça ne veut pas dire que je n’étudie pas les comportements des animaux et que je n’apprends pas tout ce qu’il y a à savoir sur eux ; je le fais. Cette étape est primordiale ! Mais je ne me réveille pas en me disant « Ok, je veux photographier un lion pendant qu’il chasse ». Je fais le contraire. Je me réveille et je me dis : « C’est parti, allons trouver quelque chose d’intéressant avec une belle lumière ».

Il me semble que c’est justement le fait d’être capable de lâcher prise et de laisser faire la nature qui rend la photographie animalière si agréable. Je veux que les animaux soient en totale confiance et qu’ils en oublient ma présence afin de pouvoir révéler l’intimité de la nature aux yeux des gens.

photographie de gorille au congo par la photographe Shannon Hinson-Witz
© Shannon Hinson-Witz

Qu’est-ce qui était spécifique à photographier des gorilles  ?

Pour être tout à fait honnête c’était le challenge et l’idée même d’aller au Congo. Les gorilles des montagnes sont difficiles à photographier pour plein de raisons. La première d’entre elles, c’est qu’il n’en reste que 900 dans le monde, voir moins. Ils n’existent nulle part ailleurs qu’au Congo, au Rwanda et en Ouganda, pas même dans un zoo. Pour les photographier vous devez donc d’abord les trouver.

Pour moi, ça signifiait 22 heures d’avion depuis Chicago vers Kigali – la capitale du Rwanda voisin -, puis 5 heures de route afin de traverser la frontière à Goma où j’ai rencontré des gardes armés qui m’ont à leur tour conduit pendant près de 4h sur des routes faites de roches volcaniques et pleines d’énormes nids-de-poule. Après quelques heures de repos, les gardes me rejoignent à 7 heures du matin et nous conduisons encore 1 à 2 heures jusqu’à Bukima où les randonnées commencent.

Les treks peuvent durer entre 2 et 6 heures.

Il fait terriblement chaud, l’humidité est à 100% et je parcours une forêt très dense qui me fait penser à un rideau. Les Rangers dégagent le chemin à la machette alors que j’avance, mais les plantes et les feuilles semblent repousser avant que j’ai le temps de passer – parfois elles se fixent sur mes vêtements comme si quelque chose sortie tout droit d’un film d’horreur venait me tirer dans la forêt. Je grimpe sur d’énormes bûches, esquivant des trous, et pataugeant dans de l’urine d’éléphant. Parfois, la famille de gorilles que je suis en train de suivre est en mouvement, alors je dois zigzaguer à travers la forêt ou de long en large, le long d’un volcan en sommeil. Tout ça en portant un sac à dos plein d’équipement !

Il y a eu des moments où je me suis demandé si tout ça en valait la peine. Je me trouve dans une forêt à l’est du Kivu avec des rebelles d’un côté et un volcan très actif de l’autre. Trempée de sueur, je n’ai plus qu’une bouteille d’eau. Je suis debout dans de l’urine d’éléphant et je suis couverte de taons. Mais alors que j’étais prête à jeter l’éponge, les gardes partis plus tôt ce matin pour suivre les gorilles surgissent de nulle part et me disent de mettre mon masque. Les gorilles sont proches !

Les rangers commencent à couper la végétationet je m’enfonce alors un peu plus profondément dans la forêt. Sous mes yeux se déroule le spectacle le plus étonnant que je ne verrai jamais, qui me mettra aux larmes à chaque fois : une gorille femelle adulte tenant un bébé de 8 semaines alors qu’un dos argenté joue avec un enfant en bas âge.

C’était un véritable défi qui finalement se transforme alors en une joie pure !

C’est un immense privilège que de voir ces êtres magnifiques dans leur habitat naturel. Être face à face avec un gorille ne ressemble à rien d’autre dans ce monde. Il n’y a tout simplement pas de mots pour décrire cette expérience.

gorille de la famille Humba, parc national du virunga république démocratique du congo © Shannon Hinson-Witz
© Shannon Hinson-Witz

Comment travaillez vous la lumière et quel équipement utilisez-vous ?

J’évalue toujours la lumière et j’attends que l’éclairage soit optimal pour prendre une photo. L’éclairage est essentiel et très difficile à maîtriser lorsque je photographie les gorilles, donc j’ajuste souvent mes mesures et je fais presque toujours des prises de vue avec un ISO faible. Mes images ont tendance à être sous-exposées. J’aime le drame qu’une image sous-exposée crée – surtout lorsque vous photographiez dans la jungle qui est naturellement privée de lumière.

Quant à mon équipement, je photographie avec du matériel Canon à l’exception d’un objectif Sigma. Actuellement, mes appareils principaux sont des Canon 5D Mark III et 1D X Mark II. Lorsque je photographie les gorilles, mes objectifs principaux sont l’EF 70-200 mm f / 2,8L de Canon et l’EF 24-70 mm f / 2,8L II.

Avez-vous déjà des projets futurs ?

Oui. Je retourne au Congo en juin pour photographier les gorilles de montagne. Si la situation sur le terrain le permet, je me rendrai également à Garumba pour photographier le parc et ses rangers. Garumba est un parc important qui a été dévasté par le braconnage. J’aimerais documenter et sensibiliser les efforts des hommes et des femmes qui tentent de sauver les derniers éléphants dans cette région.

Retrouvez les sublimes photos de gorilles et l’ensemble de du travail de Shannon Hinson-Witz sur son site.

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