Jim Goldberg, né en 1953 est un photographe américain. Pratiquant principalement de la photographie documentaire, il explore plusieurs formes narratives à travers ses œuvres. S’attachant à représenter les populations délaissées et marginalisées, son œuvre phare « Raised By Wolves » illustre le quotidien des adolescents vivant dans les rues de San Francisco et de Los Angeles entre 1985 et 1995. Découvrez les Polaroids inédits de Jim Goldberg narrant le récit poignant de cette jeunesse à la dérive.

Raised By Wolves
©Jim Goldberg

Entre la fiction narrative et le documentaire.

À travers son livre photo « Raised By Wolves » paru en 1995, Jim Goldberg expose les populations négligées et à risque qu’il a pu rencontrer dans les grandes villes sud-californiennes. Dans la plupart de ses œuvres, il met en avant la réalité sur les mythes américains et les notions de classes, de pouvoir ou de bonheur. Jim octroie alors une voix et une visibilité à ces adolescents abandonnés et effacés de la conscience collective. La notion d’individualité étant omniprésente dans son œuvre, il permet à ses sujets de contrôler la narration de leur récit. Entre le mythel’identité et l’histoire, ce photographe expose la vérité de ces adolescents; qui n’aurait jamais été entendue autrement. Jim précise que « Raised By Wolves » n’est pas une œuvre de photojournalisme; mais elle se situe plutôt entre la fiction documentaire et narrative – « une œuvre de fiction qui est complètement vraie », comme il l’a dit.

Les Polaroids inédits de son œuvre « Raised By Wolves ».

« Raised By Wolves » a été décrite comme un « déchirant roman en images » par le Washington Post. Les Polaroids retracent 10 ans d’images mêlant photographies de rueportraits et confidences rédigées par les sujets eux-mêmes. Ces images, pour la plupart en noir et blanc accompagnées de notes manuscrites proclament ainsi l’identité, les défis et les rêves de ces adolescents laissés pour compte, tout en relatant la triste réalité de la rue. En 2021, Jim sort la suite de sa série d’archives en publiant son livre « Fingerprint » avec des images ayant servi de brouillons pour des photos capturées plus tard pour « Raised By Wolves ».

Raised By Wolves
©Jim Goldberg

La jeunesse marginalisée californienne des années 80-90.

En partant à la rencontre de ces adolescents sans-abri, Jim a pu accéder aux pensées de cette jeunesse tourmentée et foudroyée par la dépendancel’exploitation et la violence. En les côtoyant, il a cherché à comprendre ce qui se déroulait sous ses yeux durant des années en se positionnant en tant que spectateur.

« J’ai eu le privilège d’être à la fois témoin et narrateur. L’intimité, la confiance et l’intuition guident mon travail. »

Jim Goldberg – Interview avec Henri Cartier Bresson

La recherche d’une vie meilleure dans les grandes villes.

Ces adolescents, avides d’espoir et de liberté ont aussi une histoire à raconter. Certains viennent en ville pour se construire un avenir meilleur, attirés par la liberté de l’anonymat et la possibilité de se réinventer. D’autres s’y installent pour fuir un passé douloureux ; mais par manque de moyens, se retrouvent piégés dans un cercle infernal, et finissent par s’y perdre. Après avoir étudié plusieurs types de groupes sociaux : les plus aisés – les moins aisés – les personnes âgées, Jim eut un point de vue différent en étudiant la jeunesse la moins aisée.

« Je pensais à ma propre adolescence et à mon enfance, et à d’autres personnes que je connaissais qui étaient souvent désignées comme boucs émissaires, qui n’étaient pas appréciées ou qui n’avaient pas de chance. Je voulais regarder ces gens qui étaient des étrangers, comme je sentais que je l’étais. »

Jim Goldberg – Interview avec Magnum Photos

La rencontre avec Tweaky Dave et Echo.

Les deux protagonistes de l’œuvre sont Tweaky Dave et Echo ; deux jeunes fugueurs, bien que charismatiques, mais profondément troublés dont les vies se sont entremêlées. Il a ainsi noué des liens d’amitié avec ces antihéros en les suivant autour de Los Angeles. Il a également hébergé la mère biologique d’Echo lorsque cette dernière était enceinte. Les textes, les photographies et les personnages ont marqué les esprits par leur authenticité ; bien que leurs histoires soient parfois des demi-vérités ou des récits entièrement fabriqués.

Raised By Wolves
©Jim Goldberg - Tweaky Dave et Echo
Raised By Wolves
©Jim Goldberg - Tweaky Dave et Echo
Raised By Wolves
©Jim Goldberg - Tweaky Dave et Echo

« Les histoires qu’ils ont créées sur eux-mêmes étaient basées sur Hollywood, le Rock and roll et les histoires d’amour. Leur famille dans la rue était un film en soi. Ils étaient aussi à Hollywood et à San Francisco. Ils allaient et venaient, et étaient les nouveaux James Deans ou Johnny Rottens. »

Jim Goldberg – Interview avec Magnum Photos

L’impact de l’œuvre Raised By Wolves.

En 2016, l’œuvre fait encore parler d’elle, mais cette fois-ci à la une des journaux. En effet, lors d’un évènement, Kanye West avait porté la réplique d’une veste de Tweaky Dave figurant dans le livre de Jim. Il a ensuite vendu une veste imitant son style pour 400$ lors d’une collection de mode publiée en soutien à un nouvel album. « Il n’avait aucune idée d’où cela venait. Il pensait que c’était juste un article de mode » a affirmé Jim Goldberg. L’auteur de l’œuvre s’est en effet senti frustré du manque de connaissances et de respect envers Dave, aujourd’hui mort d’une insuffisance rénale. Il a perçu cet acte comme une occasion manquée de sensibiliser la population sur les enfants sans-abri, lors de la vente de cette copie de veste ne mentionnant ni Dave ni l’œuvre de Jim.

Raised By Wolves
©Jim Goldberg - La veste de Dave

Le designer ayant créé la réplique de la veste pour Kanye a cependant reconnu son origine, étant lui-même un fan incontestable du travail de Jim Goldberg, en postant une photographie de la veste sur Instagram avec la légende « RIP Dave ». Cette reprise d’une partie de l’œuvre de Jim fait écho à la manière dont les modes de vie marginaux sont arrachés de leur contexte. Ces éléments, fort d’histoire et de vécu sont réduits à des produits reconditionnés pour les consommateurs, n’ayant aucune idée de la provenance des looks qu’ils se crées. Le photographe souligne ainsi l’importance d’un projet tel que le sien, étant le miroir du combat quotidien auquel tant de personnes sont confrontées dès leur adolescence.

Raised By Wolves
©Jim Goldberg

Jim Goldberg : Site – Instagram

À LIRE AUSSI : 

  • « Rodeo Drive, 1984 »: Portraits d’habitants de Los Angeles par Anthony Hernandez
  • New York en noir et blanc dans les années 70 et 80 par la photographe Arlene Gottfried
  • « Les superstars d’Andy Warhol », les Polaroids perdus de Brigid Berlin
  • Talent en herbe : il immortalise les visages des sans-abris
  • Tatsuo Suzuki photographie des sans-abris à Tokyo