Nader Adem découvre le pouvoir de la photographie lors de l’exposition World Press Photo, en 2003. Cette rencontre avec l’art de la photo a semé en lui une graine qui allait plus tard fleurir. Sourd de naissance, il retranscrit sa perception unique du monde en photographiant les histoires et les expériences qui l’entourent. À travers son art, il s’efforce de dévoiler l’invisible, de remettre en question les perspectives et de briser les stéréotypes sociaux.
Son entrée dans la photographie
Près de 10 ans après cette exposition marquante, son intérêt pour la photographie ne cesse de grandir et le pousse à se procurer du matériel. En 2012, l’éthiopien s’achète son tout premier appareil photo semi-professionnel qui marquera un tournant dans sa vie artistique. Sa fascination initiale pour la photo se transforme en véritable quête qui, au fur et à mesure, devient sa passion mais aussi sa profession.
« Le fait d’être témoin du pouvoir de la photographie, qui permet d’englober la riche tapisserie des réalités du monde dans une seule image, a éveillé en moi un profond intérêt. » – Nader Adem
Un style unique
Son style photographique est façonné par deux passions : le portrait et la photographie documentaire. Cette approche de la photo est pour lui un outil permettant de documenter les réalités de la vie, notamment les aspects que la plupart ignorent. Il s’agit de capturer les luttes, les détails et les moments fugaces que nous pouvons manquer lorsque nous sommes pris dans nos propres routines quotidiennes. En portant une importance particulière à la lumière naturelle, il joue sur l’éclairage et les angles pour créer des récits visuels uniques. Le noir et blanc, en particulier, lui permet de mettre l’accent sur les émotions brutes et la qualité intemporelle du sujet.
Son travail se centre aussi en grande majorité sur le portrait. Une pratique qu’il apprécie pour son pouvoir du contact visuel direct. Pour lui, cela va au-delà de capturer un simple visage. Il s’agit de créer une image visuellement étonnante et émotionnellement évocatrice qui fait écho chez le spectateur. Même si certains de ses portraits sont méticuleusement planifiés, d’autres naissent de rencontres ordinaires où un moment de connexion suffit à éveiller son inspiration.
« Après tout, les yeux sont les fenêtres de l’âme et révèlent le monde intérieur d’un sujet. Ce lien entre le sujet et le spectateur favorise l’intimité et la profondeur émotionnelle, entraînant le spectateur dans l’histoire. » – Nader Adem
La beauté du quotidien et de la diversité
Les photographies de Nader ne cherchent pas à imposer un message unique mais, de manière générale, à valoriser la beauté ordinaire qui nous entoure. Son objectif est de capturer ces moments d’interactions subtiles et ces expériences quotidiennes qui passent souvent inaperçues. En mettant ces histoires en lumière, il cherche à susciter la curiosité, à remettre en question les stéréotypes et à élargir les perspectives sur le monde, en particulier lorsqu’il s’agit de questions sociales négligées telles que le handicap.
“ À travers mes photographies, je veux que les spectateurs se connectent à l’humanité qui nous lie tous, en favorisant une appréciation plus profonde de la richesse et de la diversité de l’expérience humaine. “ – Nader Adem
Son handicap : une perception stimulante
Nader est né sourd, un handicap qui influence son travail de manière à la fois positive et stimulante. Cette barrière de la communication peut être un obstacle, en particulier dans les régions où les interprètes ne sont pas toujours disponibles. Ainsi, l’obtention d’un consentement avant de prendre une personne en photo peut être difficile. L’aspect qui le frustre le plus est néanmoins l’impossibilité des conversations approfondies avec les sujets.
Le photographe éthiopien qui cherche à recueillir ce qui se cache derrière les visages se voit parfois contraint de ne pas saisir toute la profondeur des histoires de ses sujets. Faisant face aux stéréotypes malheureusement encore présents sur son handicap, il utilise des moyens non verbaux pour communiquer avec ses sujets, renforçant ainsi le lien avec eux en une expérience positive. Il raconte que parfois, il rencontre des personnes surprises d’apprendre qu’un photographe sourd peut créer des œuvres marquantes.
Néanmoins, c’est aussi une perspective unique que l’artiste saisit comme une force. À l’abri du bruit, il se concentre sur les détails visuels et le langage corporel. Cette perception lui permet de saisir des expressions et des gestes subtils qui, autrement, pourraient être perdus dans l’arrière-plan.
“Les yeux, en particulier, deviennent un outil puissant pour raconter des histoires. Non filtrés par les mots, ils offrent une fenêtre directe sur les émotions et le monde intérieur d’une personne.” – Nader Adem
Nader Adem : Instagram
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