Camille Niel est un photographe français, passionné de photographie mais également d’aventures et de challenges. Lauréat de notre Concours Talent Graine de Photographe 2020, Camille Niel est arrivé en 9ème position grâce à ses photos de paysages et de voyage. Dernièrement, il s’est lancé un nouveau défi des plus fantastiques, capturer la Voie Lactée surplombant le célèbre Mont-Saint-Michel. Encore jamais réalisé, le résultat est sans artifice ni trucage, et est à couper le souffle…

Mont-Saint-Michel
© Camille Niel

Depuis ses études dans l’audiovisuel, Camille est sans cesse entouré d’images. C’est au cours de son expérience en tant que chef de plateau chez M6 qu’un de ses collègues lui transmet sa passion pour la photo et le voyage. Parmi ses clichés, nous pouvons retrouver des photos de paysage, de nuit, des portraits… Accordant une place importante au ciel et à tout ce qui s’y rapporte comme la Voie Lactée, Camille se passionne particulièrement pour l’astrophotographie

Nous avons posé nos questions à Camille sur son incroyable aventure et sur cette photo unique. Découvrez notre interview exclusive et le récit du talentueux photographe. 

Tout d’abord, d’où vous est venue l’idée de ce projet ? Pouvez-vous nous en dire plus sur son histoire, sa préparation et son déroulement ?

Ça a commencé en août 2021. Comme souvent, je suis sur mon PC à me promener sur Google Map/Earth et d’autres applis pour chercher de jolis spots propices à une session astrophoto.

Petite parenthèse explicative pour mieux comprendre la suite. La Voie Lactée s’étend globalement du Nord au Sud. Mais son cœur, le bulbe galactique plus précisément, est TOUJOURS orientée au sud (chez nous en France). Donc dès que je cherche un lieu, ou que je trouve un endroit qui me plait, je vérifie si quelque chose est possible en termes de photo : rien qui n’obstrue la vue au sud, est-ce que je peux aligner la Voie Lactée et mon sujet etc.

J’étais donc sur Google Map, et en me promenant dessus, j’aperçois une île située en plein Nord du Mont-Saint-Michel. Tout de suite ça fait tilt dans ma tête : j’ai un endroit où je peux me poser pour shooter la Voie Lactée, en visant le sud donc. Je vérifie la position des astres et il est malheureusement trop tard dans la saison pour aligner notre galaxie et le Mont. Je mets donc ça de côté.

Février 2022, je me penche à nouveau sur la chose.

La période est vite définie en fonction des conditions nécessaires pour une telle prise de vue : ce sera vers fin mai ! Pour atteindre Tombelaine, il faut traverser la baie. Je contacte donc des guides pour me renseigner sur la faisabilité d’une telle chose. Je tombe sur Patrice Trèche, qui a tout de suite accroché à mon idée. 

J’apprends rapidement qu’il est impossible d’aller sur Tombelaine à cette période car elle est protégée. Nous sommes surtout en pleine période de nidification. En revanche, il me dit qu’il n’y a aucun problème pour se déplacer dans la baie la nuit, ce qui m’arrange encore plus. Vendu ! On se donne rendez-vous fin mai si tout va bien.

 

Entre-temps, il m’a fallu trouver du soutien car je n’avais pas les moyens d’amortir tous les frais personnellement (déplacement, logement et frais sur place, salaire d’un guide etc.). J’ai donc monté un dossier présentant le projet. À ma grande surprise, j’ai eu un retour très rapide de la part de l’Office de tourisme du Mont-Saint-Michel, ainsi que d’Attitude Manche, l’agence d’attractivité du département. Ils ont tout de suite été emballés par le projet. À partir de là, j’étais heureux de savoir que cette aventure aurait lieu, il ne manquait plus qu’à croiser les doigts pour la météo. Et là, c’est le début d’un long stress…

Mont-Saint-Michel
© Camille Niel

Mais le jour J, je crois que je n’aurais jamais pu rêver mieux.

20h40 le 29 mai. Mon guide Patrice, notre vidéaste Xavier et deux autres comparses, nous nous engageons dans la baie au coucher du soleil. Je vous passe égoïstement les détails, mais c’est quelque chose… Toutes ces couleurs et ses reflets, seuls dans la baie…

22h environ. On arrive à Tombelaine pour se poser jusqu’à la nuit noire. S’en suit 4 heures d’attente, pendant lesquelles on se refroidit un peu, voire beaucoup ! Vers 1h30 je décide qu’on se remette en route, guidé par Patrice, afin de dériver plus à l’Ouest jusqu’à avoir un alignement parfait entre le Mont-Saint-Michel et la Voie Lactée. 2h, à l’œil nu, ça m’a l’air bien. Je prends une photo test pour vérifier. Parfait ! Je pose donc le trépied et installe tout mon bazar. À ce moment, plus un bruit, je suis dans ma bulle, et j’ai le cœur qui bat. « Ça y est j’y suis enfin ! » me dis-je dans ma tête.

Concentré pendant 40-50min, j’effectue toutes les prises de vue dont j’ai besoin. Je demande à Patrice 10 minutes supplémentaires pour assurer mes prises. Je n’aurai pas plus car la marée est déjà en train de remonter, mais c’est largement suffisant. Une fois tout dans la boîte, on se remet en route pour revenir sur la côte. Et cette partie-là, je suis désolé, mais je la garderai pour moi. Car marcher dans la baie, sans aucune lumière, sous les étoiles et la Voie Lactée, ça ne se partage pas, ça se vit !

Quelles conditions devaient être réunies pour réaliser cette image ?

Pour des photos d’astro, les conditions réunies sont toujours les mêmes à savoir :

  • L’absence de la Lune afin de bénéficier du ciel le plus noir possible. Ceci représente deux semaines par mois, voire moins suivant l’heure à laquelle on souhaite photographier la Voie Lactée.
  • Un ciel clair. Les nuages sont nos ennemis numéro un et la source d’un stress commun à tous. Par contre, même si on ne veut pas les avoir, il arrive qu’ils s’invitent à la fête et peuvent apporter une belle ambiance à notre composition.
  • Un vent tolérable. Prendre des photos d’astro nécessite de faire des temps de pose très long (de quelques secondes jusqu’à plusieurs minutes suivant la configuration). Pendant ce temps, l’appareil doit être absolument immobile sinon la photo est ratée. Il faut donc espérer, au mieux, un vent absent, sinon tolérable afin qu’il ne fasse pas bouger l’appareil. Pas de règle particulière de vitesse de vent, cela dépendra du matériel que l’on dispose ; et de sa propre corpulence pour pouvoir faire un bon paravent humain !
Mont-Saint-Michel
© Camille Niel

Autant la Lune est prévisible, autant les nuages et le vent sont des facteurs difficiles à prévoir. D’autant plus qu’en bord de mer, et surtout dans la baie du Mont-Saint-Michel, il n’est pas facile de croire que de telles conditions se réunissent souvent.

Et également, qui dit marche dans la baie, dit marées. Et oui en plus de tous ces facteurs, il faut ajouter une marée qui soit basse, et de nuit…

C’est pourquoi la période propice à une telle photo se résume à un créneau de quelques jours fin mai / début juin !

Quel matériel avez-vous utilisé ?

Pour cette photo, je n’ai pas fait d’excentricité. J’ai utilisé le matériel que j’ai l’habitude de prendre, et que je connais par cœur à savoir :

Un boitier Sony A7 III

Un boitier Sony A7 III avec capteur modifié pour l’astrophoto (j’épargne les détails techniques, les curieux pourront me contacter ou googler).

Un objectif Sigma art 50mm f1.4

Un objectif Sigma art 50mm f1.4. On pourrait se demander pourquoi un 50mm plutôt qu’un grand angle ? Tout simplement car je fais de la photo panoramique, ce qui me permet d’avoir une image finale en très haute résolution (72 mégapixels ici), et surtout énormément de détails dans mon ciel. Cela permet de dévoiler beaucoup plus de choses qu’avec un grand angle, et avec beaucoup plus de finesse.

Un trépied

Un trépied évidemment. J’ai le même depuis mes débuts en photo, un petit trépied en carbone de seulement 1kg qui me suit partout.

Mont-Saint-Michel
© Camille Niel

Une monture équatoriale

Une monture équatoriale, la omegon minitrack Lx4. Je vais essayer de développer un peu plus sur cet outil. Pour ceux qui ne connaissent pas la photo, vous avez peut être déjà pris une photo quand vous êtes en mouvement. Dans le train par exemple, vous souhaitez capturer le joli paysage, malheureusement le train va tellement vite qu’une bonne partie de l’image est floue.

En astrophoto, c’est pareil ! Le « train » dans lequel on se situe, c’est la terre. Et c’est le ciel qui défile à toute vitesse. Pour photographier les étoiles, on fait des temps de pose de plusieurs secondes voir dizaines de secondes. Pendant ce temps, le ciel défile et il peut arriver que nos étoiles, au lieu d’être des points bien nets, forment de courtes trainées.

La monture équatoriale est donc un outil qui permet de compenser la rotation de la terre et ainsi d’avoir notre appareil photo figé sur la même partie de notre ciel au fil des heures.

L’un des inconvénients d’une monture équatoriale, c’est qu’on a beau être figé sur notre ciel, pendant ce temps, la terre tourne. C’est donc la partie terrestre qui devient floue pendant les prises de vue de 10s, 30s, 60s… Il est donc indispensable de photographier le sol séparément, avant ou après notre session du ciel et de les joindre en post production.

Pourquoi cette photo est-elle unique ? Et pourquoi la réaliser vous tenait tant à cœur ?

Elle est unique car une telle photo n’a jamais été réalisée (ou alors, on en a bizarrement jamais entendu parlé). Je m’explique !

Tapez « Voie Lactée Mont Saint Michel » sur Google, et vous allez en trouver des photos. Certes il en existent. Mais ce sont des images dites composites, un assemblage de photos prises à des endroits et lieux différents.

Comment cela se voit ? Parce qu’elles sont prises depuis la côte ou la passerelle devant le Mont, situées au Sud de celui-ci, avec donc l’appareil pointé vers le Nord. Et si vous vous rappelez ce que j’ai dit au début, vous comprenez qu’il est techniquement impossible d’aligner le bulbe galactique avec le Mont depuis une telle position. De plus, la Voie Lactée n’a jamais la même orientation, chacun le fait à sa sauce. C’est plus ou moins bien réussi, mais là n’est pas la question

Mont-Saint-Michel
© Camille Niel

Je tiens à réaliser mes photos de manière la plus réaliste possible, c’est-à-dire respecter l’alignement des astres de ma partie terrestre telle qu’elle existe. Cela demande un gros travail de repérages et préparations dont on ne se rend pas compte. Je ne suis pas monsieur Parfait, il m’arrive de déplacer un élément ou deux, effacer un truc qui me dérange ou je ne sais quoi… Mais si c’est le cas je l’assume et je l’explique pour ne pas tromper le spectateur. Après, on aime, on n’aime pas, c’est un autre sujet. Je pars du principe que la photo reste un art, et chacun est libre de la pratiquer comme il l’entend.

Pour cette photo du Mont-Saint-Michel, aucun trucage. La Voie Lactée est telle qu’elle était à ce moment précis. N’importe qui pourrait, techniquement, la refaire, c’est une scène qui existe vraiment !

En plus de cela, il y avait un côté défi dans ce projet. Et pour ceux qui me connaissent bien, je suis joueur, j’aime bien les défis. Au-delà de la photo en elle-même, autour il y a toute une petite aventure, et j’aime quand il y a un peu de piquant dans l’histoire ! En plus de cela, j’ai pu faire de belles rencontres

portrait Camille Niel
Le photographe Camille Niel

Camille Niel : SiteInstagramFacebook

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