« Last Tango in Nowhereland » ou en Allemand « Letzter Tango in Nomansland », c’est le nouveau chef d’oeuvre de Francis Meslet : un portfolio d’ urbex (explorations urbaines) sur les salles de bal abandonnées en ex République démocratique allemande. Peut être en avez vous déjà entendu parler tant le charme de ces photographies ont attiré l’attention de plusieurs festivals. Nous retrouverons cette série de photos, exposée au Festival de la Photographie de Besançon du 19 septembre au 18 octobre 2020, ainsi que certaines images au Festival « Fenêtres sur cours » dans le cadre de la fête de l’image à Épinal : BMI (Bibliothèque Médiathèque d’Épinal) du 1er septembre au 11 octobre 2020.
Dans cet interview Francis Meslet nous explique ce qui a donné vie à ce magnifique projet. Il nous montre également l’étendu de son talent au travers de deux livres, eux aussi étant de l’urbex. Un livre audio de 9 portfolios de lieux abandonnées mis en musique par les musiciens du Label indé « Ici d’ailleurs… »: Mind Travels et « Il était une FOI »- Abandonned churches en collaboration avec des écrivains, historiens, enseignants chercheurs…
Francis Meslet est un photographe français qui n’a pas toujours été passionné par le métier de la photographie. Il rêvait de devenir architecte avant de s’orienter vers les études artistiques. Il passe cinq années à étudier à l’école supérieur d’Arts de Nancy, les années les plus formatrices de sa vie. Son activité professionnelle devient alors celle de directeur artistique dans la communication, dans laquelle il ne présente que les images d’autres photographes. Lorsque le numérique fait assez de progrès techniques pour proposer des images de qualité il décide de revenir à la photographie avec l’acquisition de son premier boîtier numérique en 2005. C’est lors d’une sortie non loin de chez lui où il tombe nez à nez avec un bâtiment blanc abandonné au milieu de la forêt , que le désir de s’adonner à l’urbex surgit. Naissent alors ses premières images.
C’est tout naturellement que de cette fameuse balade, sa passion pour les lieux abandonnés voit le jour, mais ce n’est pas la seule passion qui en résulte.Celle pour le voyage s’y ajoute, ce qui amène Francis à chercher des patrimoines abandonnés toujours plus loin de chez lui : Luxembourg, Belgique, Allemagne, Hollande, Portugal, Espagne, Italie, Japon… Constatant que les salles de bals sont les lieux les plus abandonnés dans les pays où il se rend, notamment en Allemagne. Fin 2019 il décide de faire un road trip orienté sur ces anciennes salles de fêtes. Il laisse ainsi place au projet « Last Tango in Nowhereland ».
« J’ai été frappé par l’originalité de la décoration, elles sont parfois situées non loin les unes des autres mais les sources d’inspiration des décorateurs n’avaient pas de frontière… Quasiment chaque village avait la sienne, très souvent adossée à une Gasthaus (Auberge). Les gens venaient là pour faire la fête, bien manger et oublier les tracas de la vie quotidienne et sans doute se libérer à leur manière de l’oppression du régime en place à l’époque »- Francis
Victime d’un succès qui surprend le photographe lui même, la série de photo Last tango in Nowhereland réussit l’objectif cherché qui est celui d’emmener les « regardeurs » à faire un voyage à une autre époque et imaginer la musique, les rires aux éclats, la vie intense qui emplissait ces endroits.
« J’aime beaucoup cette série et la découverte de ces salles est toujours un grand plaisir pour moi. Pour cette raison j’ai décidé de la proposer à quelques sélections. »- Françis
Pour choisir des salles abandonnées, Françis Meslet nous confie que c’est un travail de longue haleine : un long travail de recherche sur internet, dans la presse, sur les vues satellites autour des routes à emprunter, afin d’identifier des sites en possible abandon. Il travaille également avec des collègues de confiance dans chaque pays où il se rend.
Françis chérit particulièrement ces lieux car selon lui ils représentent une architecture, un patrimoine et une histoire, loin de la déferlante sensationnaliste qui sature les réseaux sociaux.
« Permettez moi de citer ici les mots de Diderot dans lesquels je me retrouve :« La contemplation des ruines est plus qu’une promenade dans le passé ; elle est un appel, un contrepoids aux exigences de la vie en société, un espace propre aux sentiments, à la liberté de pensée et des sens ». » Diderot
Françis dit composer comme il le peut avec les conditions de luminosité. Ainsi rien de tel que de travailler avec la luminosité naturelle et travailler en pose longue sur trépied.
« J’entre donc dans un endroit, je regarde, les conditions de luminosité et je fais au mieux pour en livrer ma version sans trahir les architectes qui les ont conçu ni les gens qui y ont vécu. Un de mes grands plaisirs est d’arriver sur un site avant le lever du soleil, de prendre la température du lieu et de découvrir les rayons du soleil s’infiltrer imperceptiblement mais inexorablement plus profondément dans tout le bâtiment. »- Francis
Afin d’aller encore plus loin dans cette immersion hors du temps nous vous présentons les livres de Francis Meslet dont un livre audio, Mind Travels paru aux éditions éponymes du Label « Ici d’ailleurs… » en 2017. A l’origine les photos de ce livre audio devaient être simplement des inspirations pour les musiciens afin de créer des pièces de musiques ambiantes. Cependant, les couvertures de ces albums utilisent à présenles photos des endroits que Francis a visités. Le livre, sorti pour les 20 ans du label en 2017 était accompagné d’une compile audio avec une sélection de 9 morceaux sélectionnés dans la collection et illustrant les 9 chapitres du livre.
« J’ai été invité par les organisateurs ainsi que par la BMI Bibliothèque Médiathèque d’Épinal, à présenter de nouveau cette expérience collaborative entre l’image et la musique du 1er septembre au 11 octobre 2020″ – Francis
Un second ouvrage intitulé « Il était une FOI » présente des lieux de cultes en déshérence aux Editions Jonglez. Ce livre est le fruit d’un travail mené depuis 2012 principalement en Europe.
Il sera disponible à partir de la mi-octobre 2020, publié en cinq langues et distribué dans 35 pays. Dans ce livre il ne s’agit plus de mélodies mais de mots ; provenant d’un exercice descriptif donné par le photographe lui même à des historiens, journalistes, auteurs-compositeurs-interprètes, philosophes, romanciers, critiques d’art, artistes-plasticiens.
« Je dois dire que j’ai été surpris, touché, ému, intrigué, bousculé, séduit par leurs mots. Ces textes illustrent la première image de chaque portfolio présenté et constituent une seconde clé d’entrée au livre. Libre à chacun de le découvrir en privilégiant l’image ou le verbe. De se laisser embarquer par ces récits, entre réalité et fiction. »- Francis
Francis Meslet ne manque pas d’inspiration et révèle même avoir d’autres projets en tête : des voyages, des livres, des expositions. Ou peut être nous surprendra t-il dans un nouveau domaine. A suivre…
« Peut-être une autre vie. Je suis entrain de réfléchir à l’orientation à donner à ma vie professionnelle plus essentiellement tournée vers mon activité d’Auteur photographe » – Francis
Francis Meslet- Site– Instagram – Gallerie Flickr
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