Voyage dans le temps : nous sommes en 3019 après J.C, lorsque les terriens vivent désormais sur Mars. De temps à autre, ils reviennent sur notre planète aujourd’hui désertée, explorer les vestiges d’un autre temps…
Bienvenue dans un monde où le sentiment d’appartenance n’existe plus, où seulement la solitude règne paisiblement.Bien sûr, tout cet univers n’est que le fruit de l’imagination d’une photographe britannique, Karen Jerzyk, animée d’un désir de mettre en lumière ses sentiments les plus intimes, par le biais d’une série photo originale : The lonely astronaut.
Une série photo qui est à la fois une jolie combinaison de son amour pour l’exploration, et de ses émotions ressenties.
Rencontrez sans plus attendre Karen, une talentueuse artiste tourmentée à cause d’une société dans laquelle l’isolement et l’individualisme la fragilise de plus en plus. Plongez dans un témoignage émouvant, et dans les coulisses d’une série photo qui exprime son confinement sur la Terre qui est pourtant encore peuplée…
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Comment votre amour pour la photographie est-il né ?
J’ai grandi en lisant et en regardant autant de films que possible. J’étais obsédée par les films de Jim Henson (Labyrinth, The Dark Crystal). Je suis toujours tombée amoureuse du costume et de la scénographie que je retrouvais dans les films que je regardais.
En vieillissant, j’ai commencé à devenir une grande fan de certains réalisateurs. Stanley Kubrick, Tim Burton, David Lynch et Andrei Tarkovsky étaient des réalisateurs dont je devais absolument regarder les films. Ils avaient tous une qualité si étrange et si distincte. J’étais intriguée par la façon dont leurs films me faisaient ressentir des choses. Je voulais créer un art qui fasse que les autres ressentent la même chose.
J’ai commencé à photographier des portraits en 2009 après avoir passé des années à photographier des concerts. Cela a commencé à devenir ennuyeux pour moi. N’ayant pas d’argent pour travailler en studio, j’ai décidé de faire preuve de créativité et d’utiliser des décors étranges et abandonnés.
Ma vie et mon art se sont transformés en 2011 après la mort subite de mon père. Je me suis plongée plus profondément dans mes photographies et j’ai commencé à utiliser mes images comme un exutoire pour partager tout ce que je ressentais à l’intérieur. Tout le monde m’a suggéré d’aller parler à un thérapeute, mais tout ce que je voulais, c’était créer des images. C’était la seule activité qui m’a fait me sentir mieux.
J’ai appris à contrôler ce que je ressentais et à l’intégrer à mes idées. J’ai finalement appris à faire le lien entre images et émotions et, pour une fois dans ma vie, j’étais satisfaite et fière de ce que je créais.
Comment vous ai venu l’idée de réaliser votre série photo « The Lonely Astronaut » ?
Je pense que le monde est un endroit effrayant en ce moment, pour tout le monde. Je sais que c’est le cas pour moi. J’ai toujours eu affaire à de l’anxiété sociale et à un sentiment de non-appartenance. Au fil des ans (peut-être à cause de la technologie ?), la situation s’est aggravée. Tout le monde est toujours à l’affût. Les gens ne se soucient pas des autres. C’est difficile pour moi de laisser les gens s’approcher de moi. Quand je le fais, je me rends compte que ce que je pensais voir n’était en fait pas la vérité.
Les actions d’autres personnes ont provoqué une grande dépression dans mon âme. Presque insupportable par moments. Cela m’a fait penser que j’ai parfois l’impression de traverser cette terre seule. Il y a encore de la beauté à voir, mais je sens que je partage tout qu’avec moi-même. J’ai l’impression parfois d’être la seule personne sur Terre, à explorer encore des paysages et de vieux bâtiments.
Ensuite, j’ai imaginé la Terre dans mille ans. Les humains seront-ils toujours là ? Devront-ils tous quitter la Terre parce qu’ils l’ont détruite ? Puis, j’ai pensé à un astronaute humain qui visitait la Terre depuis Mars, par exemple, et à quel point il serait triste et beau pour eux d’explorer cette terre, tout comme moi. C’est là que j’ai eu l’idée de l’astronaute.
Parlez-nous de ce fameux astronaute. Pourquoi avoir choisi de le mettre en scène plus particulièrement ?
Je pense que les gens peuvent comprendre l’imagerie d’un astronaute : une personne courageuse, intelligente et en quête d’aventure. Je pense qu’à un moment donné de notre vie, nous avons pensé à quel point il serait incroyable de devenir astronaute. Ce sont les explorateurs ultimes. J’ai toujours aimé les images de films de science-fiction et de l’espace et je suis fascinée par les voyages dans l’espace et dans l’univers. Je pense que même si les gens ne font pas de lien émotionnel avec les photos de mes astronautes, ils les apprécieront toujours esthétiquement.
Comment avez-vous réalisé cette série photo, d’un point de vue technique ?
J’ai économisé de l’argent pendant quelques années et j’ai finalement pu acheter un costume vintage d’astronaute. C’est assez lourd et encombrant de l’emmener dans certains endroits. J’ai photographié des personnes en costume d’astronaute partout aux États-Unis, dans des hôpitaux et maisons abandonnées dans le désert de Mojave.
J’essaie d’obtenir autant d’environnements différents que possible sur les photos. Cette série n’est pas encore complète. Je cherche toujours des lieux et souhaite toujours voyager avec le costume. Je prévois d’aller en Islande avec en septembre par exemple.
De nombreuses photos n’ont pris que quelques secondes à prendre, en raison des conditions météorologiques extrêmes. Dans les endroits où j’ai la permission d’aller, je suis capable d’obtenir un peu plus de conceptualisation des photos. Par exemple, utiliser des papillons ou faire flotter l’astronaute. J’ai même fait quelques photos dans mon studio, dans la ville où je vis.
Souhaitez-vous partager avec nous d’autres projets que vous avez en cours ?
Je travaille sur des tas de projets en ce moment. Un de mes préférés est une série d’ombres, où je juxtapose des personnes avec des ombres différentes. L’ensemble de mes séries sont accessibles librement sur mon site.
Karen Jerzyk : Site – Instagram
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