Passionné par la photographie et les orages, Maxime Daviron a su faire de ses passions sa principale activité. C’est très jeune que Maxime apprend à maîtriser l’appareil photo et commence à réaliser des clichés dans des conditions météorologiques parfois complexes. Aujourd’hui photographe indépendant, il réalise des séries impressionnantes avec toujours en commun des territoires sauvages et des éléments climatiques déchaînés. Nous avions déjà eu le plaisir de rencontrer Maxime lors d’une précédente interview au sujet de ses images nocturnes, ramification de « Terres perdues ». Pour cette nouvelle série « Les Étendues Arides », Maxime nous transporte au coeur de paysages désertiques, dénués de toute empreinte humaine. À travers ses images, Maxime révèle la beauté sauvage de ces lieux où les sentiments de liberté et de solitude s’enlacent.

Les Étendues Arides © Maxime Daviron

L’idée de la série « Les Étendues Arides » est née d’une citation de Paul Shepard issue du livre « Man in the Landscape ».

Le désert est le milieu de la révélation, il est génétiquement et physiologiquement autre, sensoriellement austère, esthétiquement abstrait, historiquement hostile… Ses formes sont puissantes et suggestives. L’esprit est cerné par la lumière et l’espace, par la nouveauté cénesthésique de la sécheresse, par la température et par le vent. Le ciel du désert nous entoure de toute part, majestueux, terrible. Dans d’autres lieux, la ligne d’horizon est brisée ou cachée ; ici, unie à ce qui se trouve au-dessus de notre tête, elle est infiniment plus vaste que dans les paysages ondoyants et les régions de forêts.

Découvrez maintenant « Les Étendues Arides » à travers notre interview exclusive.

Pourriez-vous m’en dire plus sur vous et sur comment vous avez débuté la photographie ?

J’ai toujours eu du mal à dater le début de mon attrait pour la photographie. Les souvenirs les plus lointains que j’en ai sont ceux de l’argentique familial ou d’appareils jetables dont je ne me séparais jamais. C’est autour de 12 ans que j’ai finalement eu mon premier appareil numérique sommaire, suivi quelques années plus tard par un premier reflex acheté sous l’impulsion d’une passion parallèle : celle des orages, qui nécessitaient l’utilisation d’un véritable mode manuel. De fil en aiguille, la photographie a évolué d’un simple outil de témoignage à un véritable moyen d’expression artistique. J’ai donc naturellement poursuivi après le bac dans une école de photographie durant deux ans (l’ETPA, à Toulouse), avant de prendre mon premier statut d’indépendant en août 2013. Cette passion pour les éléments climatiques les plus tourmentés a perduré comme un fil rouge dans plusieurs de mes séries, qui s’articulent essentiellement autour des territoires sauvages.

Comment procédez-vous pour cette série ? Est-ce que vous faites un repérage avant sur internet par exemple avant de choisir votre destination ?

Les premières images de cette série ont été réalisées en 2013, dans un petit désert espagnol devenu célèbre depuis. Il y a dix ans, c’était un endroit encore largement méconnu hors de l’Espagne. Je l’avais découvert au hasard de recherches au début des années 2010. À l’instar de la haute montagne, cet environnement m’a instantanément happé dès le premier contact, et n’a cessé d’agir comme un aimant dans les années qui ont suivies. Étant parti vivre en Amérique du Nord en 2015 et 2016, j’ai alors eu l’occasion rêvée de poursuivre dans cette direction, et de mûrir la démarche de la série.

Depuis, j’ai pu capter certaines de ces images aux États-Unis, en Espagne et aux Émirats Arabes Unis. Mais nombreux sont les lieux propices que j’espère explorer à l’avenir. L’un des principaux freins reste malheureusement le contexte géopolitique instable de certaines des régions qui m’intéressent le plus, notamment au Moyen Orient et dans les pays sahariens. De ce fait, les informations disponibles sont souvent rares ou anciennes. Mais j’ai pu constituer au fil des années une liste des secteurs les plus intéressants. En avril prochain, si tout va bien, je devrais justement poursuivre cette série au Maroc, entre l’Atlas et le Sahara.

Quel est votre équipement pour réaliser ce type de photo ?

Mon équipement a évidemment évolué depuis 2013, mais il se compose à peu près de la même manière : un reflex et différentes focales (fixes, essentiellement) – actuellement 20 mm, 35 mm et 85 mm. Ce à quoi se rajoutent les accessoires habituels : trépied, cellule de déclenchement pour la foudre diurne (Lightning Sensor V4B), etc. Je n’utilise par contre aucun filtre de type ND ou dégradé.

Les Étendues Arides © Maxime Daviron

Il y a-t-il une photographie qui vous tient à cœur dans cette série ? Si oui, pourquoi ?

Sans hésitation, il s’agit de celle de l’éclipse solaire photographiée dans le désert du Rub Al-Khali, aux Émirats Arabes Unis, le 26 décembre 2019. Cette éclipse était le but d’une petite expédition de 10 jours organisée avec Frédéric Couzinier et ma compagne. La volonté était d’abord de me défaire des premiers instincts et lieux-communs photographiques me venant à l’esprit spontanément. Étant donné l’intégration de cette image dans la série, l’idée aussi de rechercher quelque chose de pictural et onirique, le tout avec une composition aussi « inattendue » que possible dans ce type de paysage.

Après plusieurs jours d’exploration dans différentes régions du pays, nous avons fini par découvrir un secteur susceptible de convenir à chacun. C’est en explorant cette zone que m’est apparu cet arbre, perdu seul au milieu des dunes. Une vision qui s’est alors imposée comme une évidence tant sa puissance évocatrice était forte : le motif de l’arbre solitaire prenait ici une dimension bien plus profonde, sans parler de l’intérêt purement esthétique de la composition, mêlant les courbes horizontales des dunes du premier plan et la verticalité de l’arbre, que j’imaginais au centre de l’image, aligné avec le soleil pour la totalité, trouvant ainsi l’aspect pictural et symbolique recherché. Les deux matins suivant furent donc consacrés à « répéter » le lever du soleil : tester les compositions, choisir les focales en fonction du moment, et anticiper les multiples difficultés techniques.

Les Étendues Arides © Maxime Daviron

Le matin du jour J, seul face à l’arbre, dans un silence seulement perturbé par les rares oiseaux du désert, je prends place derrière le trépied et observe l’horizon est, où s’intensifie progressivement une lueur dorée. Quelques minutes plus tard, les pointes du croissant solaire émergent des dunes. Et les deux astres poursuivent leur ascension à mesure que le soleil s’affine. Concentré sur ma tâche, je dois veiller à ne pas faire d’erreurs tout en surveillant la progression diagonale du soleil pour maintenir l’alignement entre les deux sujets. Malgré ça, la vision est stupéfiante, et je prends le temps de m’imprégner de cette atmosphère irréelle. La lumière qui éclaire les dunes est de plus en plus étrange, les ombres deviennent floues, les couleurs inhabituelles…

Et puis, à 7 h 37, vient le paroxysme : l’éclipse annulaire entre finalement en phase de totalité, ne laissant plus qu’un anneau de feu dans le ciel. Alors que les astres se mêlent, un vent froid et puissant se lève et le jour s’étiole. Quelques instants de flottement plus tard, la lune s’éloigne de l’autre côté du disque. Le vent revient, avant de s’atténuer avec le retour du jour. L’aboutissement de tout un voyage est imprimé sur le capteur.

Cette image restera parmi mes meilleures captures toutes séries confondues. Elle me vaudra notamment une publication de la NASA pour l’Astronomy Picture of the Day. Elle garde donc une place assez unique dans la série, et dans ma carrière de photographe.

Voir la série complète Les Étendues Arides 

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