Photographe documentaire et activiste, Aitor Garmendia lutte à travers ses projets photographiques et audiovisuels pour la libération animale.
Récompensé en 2018 par l’International Photography Grant pour son documentaire Slaughter House, le photographe Basque a poursuivi son infiltration dans l’industrie de l’exploitation animale. A travers son projet photographique Tras Los Muros, il nous emmène entre les murs des fermes et des abattoirs, lieux aussi secrets que controversés.
Découvrez dans notre interview ce projet personnel et engagé :
Pouvez-vous vous présenter ? Comment avez-vous commencé la photographie ?
J’ai commencé à m’intéresser à la photographie à la fin des années 90, lorsque j’ai démarré mon diplôme d’Arts à l’université, que j’ai arrêté au bout de deux ans. Quelques temps après, je me suis engagé dans différentes organisations de défense des animaux où j’ai simplement pris des photos aux moments opportuns, sans aspirations professionnelles, juste pour capturer des évènements ou des investigations. Lorsqu’il est devenu évident pour moi que la photographie serait mon principal outil de travail, j’ai lancé ce projet.
Comment vous est venue l’idée de réaliser votre projet Tras Los Muros ?
Elle est survenue de manière plus ou moins organique, lorsque – à la suite d’une série de désaccords – j’ai quitté le militantisme dans les organisations dans lesquelles j’étais engagées. A ce moment là, j’ai commencé un projet qui m’a permis d’acquérir plus d’autonomie mais conçu à partir d’une approche collective : j’ai mis mes images à la disposition de ceux qui travaillaient en faveur des droits des animaux tout en présentant leurs activités politiques. Au-delà de ca, j’étais toujours dans la perspective d’être l’un des maillons de ce grand réseau de personnes préoccupées par l’exploitation et les violences subies par les animaux. Au fil des années, j’aspire d’ailleurs à créer un essai graphique sur le rôle historique que nous avons assigné aux animaux.
Pouvez-vous nous en dire plus à propos des endroits dans lesquels vous avez pris ces photos ?
J’ai dépeint différents secteurs de l’exploitation animale, mais en grande partie, l’accent a été mis sur ceux qui sont les plus invisibles et où les animaux souffrent en plus grand nombre, comme l’industrie alimentaire par exemple. Ces dernières années, j’ai principalement eu accès aux fermes et aux abattoirs.
Avez-vous rencontré des difficultés pour y accéder, ou bien une fois présent là–bas ?
Oui, bien sûr. Ce sont des lieux très hermétiques. J’ai eu accès à environ 80 abattoirs et ce toujours avec de fausses identités. Concernant l’entrée dans les fermes, je l’ai fait principalement de nuit, clandestinement, avec des équipes de recherche. J’ai récemment été en Suède et en Italie pour accompagner deux organisations pour les droits des animaux.
- Quel matériel avez-vous utilisé pour réaliser Tras Los Muros ?
En ce moment, j’utilise le Nikon D850, qui me permet de travailler en très basse lumière. Dans les fermes par exemple, le travail doit être fait très rapidement et je ne peux pas transporter beaucoup de matériel photographique car si on nous voit, si une alarme se déclenche ou si un imprévu se produit, nous devons nous enfuir immédiatement. J’y utilise principalement le Nikon 24-70mm f/2.8 et je l’accompagne généralement d’un 24mm f/1.8. Pour les plans vidéo, je le combine avec un trépied. J’utilise également une échelle télescopique de 4 mètres pour capturer l’envergure des hangars à bétail, qui sont généralement énormes. Je reste toujours connecté à un talkie-walkie et j’ai aussi un projecteur à LED.
- Quelle est votre photo préférée de ce projet ? Pouvez-vous nous raconter l’histoire derrière celle-ci (si il y en a une) ?
Si je devais choisir la photo qui exprime le mieux l’horreur de l’abattage industriel des animaux, celle-ci serait sans doute l’une de mes préférées.
Je l’ai réalisée dans un abattoir situé en Espagne, quelques instants avant qu’on applique un choc électrique à ce porc. Je pense que son regard traduit la peur que beaucoup d’animaux ressentent pendant le processus d’abattage. Cependant, si je devais choisir celle qui exprime le mieux le monde auquel nous aspirons, ce serait celle-ci, dont je garde un souvenir particulier.
Elle montre Laura, la responsable du Santuario Vegan, situé à Madrid, un lieu où l’on offre une nouvelle vie aux animaux qui étaient prisonniers de l’élevage. La truie qui se trouve à côté d’elle s’appelle Hart.
Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez ajouter que nous n’avons pas abordé ? Un autre projet en cours peut-être ?
Dans quelques jours, je vais publier un projet dans lequel je suis plongé depuis l’année dernière. J’ai eu accès à 32 élevages de porcs avec une équipe de recherche composée d’activistes anonymes.
Tras Los Muros : Site – Instagram – Facebook
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