C’est dans les terres boisées et les montagnes désolées de Norvège que Dario Messina, étudiant italien, pratique son art photographique. Du haut de ses 28 ans, il concilie son attrait pour la biologie avec son art pour réaliser des clichés intimes en pleine nature. Sous son objectif, tout y passe: ours, hérons, rennes et autres gloutons sont glorifiés sous leurs plus beaux airs avec un respect très pur. Non content d’immortaliser cette nature sauvage, Dario donne un souffle d’humanité à ses sujets et fait transparaître l’âme de ces animaux dans leur regard. Pour en apprendre plus sur son approche de la nature et de la photographie, Graine de Photographe a posé ses questions à Dario.

©Dario Messina
©Dario Messina

Comment t'es-tu lancé dans la photographie ?

Avant de commencer la photo, j’ai passé plusieurs années à essayer de devenir artiste de bande dessinée. Mais c’est un boulot qui est devenu frustrant, me forçant à rester enfermé chez moi pendant plus de douze heures. Ça m’empêchait de faire ce que j’aimais le plus : me balader en forêt, en campagne et en montagne. J’ai décidé de prendre un peu de recul et je me suis installé en Norvège où je suis sorti plus souvent tout en dessinant moins. Je me suis mieux senti, mais faire (ou tenter de faire) de l’art me manquait. Ma sœur m’a donc prêté son appareil photo et je me suis essayé à la photographie. Ça m’a apporté tout ce dont j’avais besoin. J’étais en pleine nature à faire de l’art, sans le stress ou la frustration que m’apportait le dessin.

Comment abordes-tu la photographie d'animaux sauvages ?

La plupart du temps j’essaye justement de me faire remarquer par l’animal dans l’espoir qu’il s’habitue un peu à ma présence. Je tente de rester dans ses parages en gardant mes distances, sans faire quoi que ce soit pour qu’il se sente menacé, puis je me rapproche doucement. Bien sûr c’est particulièrement délicat avec certains animaux, comme le chevreuil qui est très timide. Dans ces cas là je me fais le plus silencieux possible.

©Dario Messina
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Pour les gros animaux comme l’élan ou le bœuf musqué, je trouve plus prudent de leur faire comprendre que je suis là. Ça évite qu’ils soient surpris et qu’ils attaquent. Je trouve cette approche particulièrement satisfaisante parce que je ressens une réelle connexion avec l’animal.

©Dario Messina
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As-tu l'impression que ton art peut être une forme de méditation, et si oui, est-ce qu'il peut t'aider à définir une certaine réalité ?

Plus que la photographie en elle-même, c’est tout ce contact avec la nature qui est méditatif. C’est aussi pour cette raison que je préfère la photo de paysage et la photo animalière plutôt que d’autres styles comme la street photography. Même s’ils me fascinent tout autant. Je trouve toutefois que la photographie en elle-même me revitalise et chasse les mauvaises pensées. Ça me fait aussi beaucoup réfléchir, bien que je ne sache pas si c’est une forme de méditation ou complètement l’inverse.

Quand je fais des longues sessions photos de trois jours ou plus en pleine nature, je me sens davantage en contact avec la réalité. Je pense beaucoup à la beauté qui m’entoure dans le moment présent. J’en oublie presque la vie urbaine et les avantages qui viennent avec.

Y a-t-il une de tes photographies qui te tient particulièrement à cœur ?

Je suis particulièrement attaché à plusieurs de mes photos, mais de manières différentes. Une photo qui me tient particulièrement à cœur a été perdue à cause d’un défaut de disque dur. C’était une photo d’un cygne, prise quand je vivais à Steinkjer. Techniquement parlant, ce n’était pas la meilleure des photos, juste une vue plongeante d’un cygne dans un cours d’eau très étroit. L’arrière-plan était immaculé de blanc. J’ai pris cette photo à une période assez sombre de ma vie, et ce cygne solitaire semblait faire écho à mon état. Mais peut-être qu’il vivait le meilleur moment de sa vie haha.

Une autre qui me tient à cœur est une photo de bœuf musqué prise dans le parc naturel du Dovrefjell. Encore une fois, la technique n’est pas la raison pour laquelle j’aime cette photo — même si je trouve que c’est un beau cliché. C’est la situation dans laquelle je l’ai prise qui m’a touché. Je ne pense pas avoir mieux approché un animal que celui-là. Je suis resté à moins de 200 mètres de lui pendant assez longtemps. Il savait que j’étais là et il n’en avait que faire. Selon moi, ça n’aurai pas pu mieux se passer.

©Dario Messina
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Dario Messina, un photographe intentionné et attentionné

Avec ses photographies, Dario ne se contente pas de présenter la nature mais nous invite à cette connexion si particulière que l’on peut faire avec elle. Sa promiscuité avec les forêts et ces animaux sauvages font montre de sa patience et témoignent de son désir de créer en toute liberté. Dario nous rappelle que l’art photographique va bien au-delà de la maîtrise technique, et qu’elle va de pair avec les sentiments et l’intention. De par son honnêteté et sa déférence envers le monde sauvage son travail touchera sans aucun doute plus d’un cœur que le sien.

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