Le 13 avril 2025, cela fera 50 ans que la guerre civile libanaise a débuté. À l’approche de cet anniversaire symbolique, la photographe Rania Matar met en lumière les femmes du Liban qui se sont portées volontaires lors de la reconstruction du pays. Fortes, belles et courageuses, ces figures féminines sont la source d’inspiration de la série « 50 Years Later – Where Do I Go ? » . À travers ses photos, Rania Matar illustre l’espoir, mais aussi les peurs de toute une génération. Une véritable lettre d’amour aux femmes du Liban.
Une histoire commune avec ses sujets
Née au Liban en 1964, Rania passe une partie de son enfance pendant la guerre civile. Le pays, dans une situation de plus en plus terrible, est alors marqué par une grande vague d’émigration. Une vague dont la jeune femme fait partie puisqu’à ses 20 ans elle quitte son pays pour vivre aux États-Unis. Elle pose ses valises à Boston et remplace ses livres d’architecture par un appareil photo pour étudier à New England School of Photography.
« Je vois mon jeune moi dans ces femmes. Je ressens viscéralement leurs espoirs, leurs douleurs, leurs rêves, leurs peurs et leurs dilemmes. Mes photos évoquent également l’exil, le mien, mais aussi celui de ces jeunes femmes et la décision douloureuse qu’elles doivent prendre pour savoir si elles doivent quitter leur pays ou y rester malgré les conditions difficiles qui y règnent. » – Rania Matar
La souffrance d’un pays
Après une guerre civile brutale qui s’est étendue sur plusieurs décennies, le Liban souffre d’une crise particulièrement difficile. Le pays a dû faire face à de nombreux conflits, des gouvernements corrompus, des mois de manifestations et des mois de confinement. Une situation critique qui s’est aggravée avec les explosions du port de Beyrouth, le 4 août 2020. Cet événement tragique a provoqué l’effondrement de bâtiments, mais aussi un effondrement économique total. Le Liban fait face à des pénuries de liquidités, de gaz, d’électricité, de médicaments et d’eau. Une crise que la Banque mondiale qualifie de la plus dévastatrice de l’histoire moderne du Liban, et l’une des plus graves crises mondiales depuis le milieu du XIXe siècle.
Après ces explosions dramatiques, des habitants se sont portés volontaires pour remettre sur pied leur pays. Parmi eux, des femmes pleines d’espoir que Rania voit comme une source d’inspiration.
« Au lieu de me concentrer sur la destruction, j’ai choisi de me concentrer sur leur présence majestueuse, leur créativité, leur force, leur dignité et leur résilience. » – Rania Matar
Souvent mal représentées dans les médias, Rania, elle, montre les femmes libanaises sous un autre angle. De manière juste et profonde, ses photos sont le reflet de la résilience et de la force dont elles font preuve. Cette série fait écho à de nombreux pays du Moyen-Orient qui se trouvent dans des situations similaires.
Un paysage symbolique
Dans ce projet, chaque portrait naît d’abord à partir d’une rencontre, d’une connexion, d’une histoire personnelle. Au fur et à mesure, la photographe crée une réelle collaboration avec ces femmes libanaises. Plus les années passent, plus Rania se lie avec ses sujets. Mais plus les années passent, plus les explosions de 2020 semblent faire partie du paysage du pays, de manière ordinaire.
Désormais, les montagnes se brouillent avec les bâtiments abandonnés. Les vagues de la Méditerranée s’entremêlent avec les couches de destruction accumulées au fil des ans. Les bâtiments traditionnels s’assemblent avec les murs stratifiés de Beyrouth… Une architecture forte d’émotion qui a un rôle important dans les clichés de la photographe.
« Les femmes, la terre et l’architecture sont étroitement liées. La collaboration est intense, créative, émotionnelle et personnelle. Le besoin de s’accrocher à la créativité et à l’expression personnelle se fait sentir de manière urgente » – Rania Matar
Rania Matar : Site et Instagram
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