Extrait du livre « Serial Photographer » d’Éric Forey, publié aux éditions Eyrolles

En photographie, comme dans toutes les disciplines artistiques, s’imposer des contraintes techniques peut se révéler un carburant incroyable pour la créativité. Travailler en série également, car la série permet d’aiguiser son regard, de passer du stade de la rencontre fortuite avec son sujet à celui de la recherche, laquelle vous emmènera ailleurs, plus loin. Le milieu urbain est pour cela un formidable terrain de jeu.

Mais est-il possible de faire une série à partir d’un seul et même sujet, par exemple un élément architectural unique ? Et comment faire ?

Cela faisait un moment que je souhaitais me rendre à Genève pour photographier un escalier de parking public, d’une superbe couleur jaune. J’en avais déjà vu quelques photos, et l’idée était bien entendu de ne pas faire les mêmes. Tant d’attente avait aussi fait naître en moi l’envie de réaliser une série – envie assez floue, car je ne connaissais des lieux que quelques fragments repérés sur de rares images, et je ne savais pas encore si j’allais créer une série autour de cet escalier ou l’intégrer dans une série de photos d’escaliers déjà en cours.

Une fois sur place et après plusieurs prises de vue, j’ai réalisé qu’à cause de la configuration des lieux il était compliqué d’obtenir des photos vraiment différentes les unes des autres, avec toujours cette contrainte d’essayer d’éviter de refaire celles des autres photographes. Le jaune vif et uni des murs allait m’apporter la solution : je savais qu’il me serait assez facile, sur de telles surfaces, de changer les couleurs au post-traitement sans que cela n’apparaisse trop artificiel.

J’ai donc varié quelque peu les angles (dans la mesure du possible), puis utilisé mon logiciel de post-traitement pour sélectionner toute la partie jaune et jouer sur les couleurs. J’ai facilement obtenu de l’orangé, du vert et du rouge ; ces couleurs très tranchées m’ont permis d’enrichir la diversité des prises de vue de base. J’avais matière à continuer quelques approches colorimétriques supplémentaires, mais j’ai estimé que, compte tenu de la vibrance des couleurs utilisées, quatre photos seraient suffisantes pour cette série, sous peine d’overdose.

D’autres approches sont envisageables, et très faciles à aborder en milieu urbain. Pour la série suivante, le sujet est un ensemble de deux gymnases dans une ville de Haute-Savoie. Il y a là une possibilité d’alterner les angles plus aisément. Je me suis donc attaché à réaliser une série de quelques photos en changeant nettement les points de vue. De surcroît, la personnalité de ces bâtiments est assez forte pour supporter des variations d’environnement météorologique, je suis donc revenu photographier ce bâtiment à plusieurs reprises pour pouvoir profiter de ciels très différents, du ciel estival le plus parfaitement bleu jusqu’au ciel d’orage, en passant par diverses palettes. Ici, je n’ai pas trouvé la fantaisie dans le traitement de mes photos mais dans les angles de prise de vue et la diversité climatologique – ce qui, vous en conviendrez, aurait été plus difficile à appliquer pour un escalier intérieur… Cette plus grande variété permet d’inscrire davantage de photos dans la série que pour la série précédente.

Article extrait de l’ouvrage « Serial Photographer » d’Éric Forey, paru aux éditions Eyrolles

Couverture du livre « Serial Photographer » d’Éric Forey, paru aux éditions Eyrolles

Editions Eyrolles : Site – Eric Forey : Site

Eric Forey est un photographe urbain à l’univers très graphique et coloré. Régulièrement exposé dans toute la France, son travail est régulièrement publié dans la presse spécialisée et récompensé de prix prestigieux. Il partage ses travaux sur son site et à travers des conférences et des stages dédiés à la photo urbaine, à la photo d’architecture et aux séries photographiques.

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