Avez-vous déjà eu l’impression de vous trouver en face de votre double ? Comme une étrange sensation de déjà vue ? Que ce soit sur les réseaux sociaux ou même encore dans notre vie quotidienne, nous avons tous déjà croisé quelqu’un qui nous paraissait semblable ou qui ressemblait à un ami. C’est à partir de ce constat que l’une des photographes de l’équipe Graine de Photographe, a eu l’idée d’en faire une série photographique.
Loin de la vision cauchemardesque de Jordan Peel avec son film Us, la série Doppelgänger de Myriam Tirler, dépeint cet étrange phénomène que sont les sosies. Tels un reflet dans un miroir, ces personnes partagent les mêmes caractéristiques physiques sans pour autant être de la même famille. Simple coïncidence ou heureux hasard du destin ?
Pour le savoir, on vous invite à découvrir cette série de portraits surprenants signés Myriam Tirler !
Saurez-vous faire la différence ?
Doppelgänger, la genèse d’un projet fou !
Parfois, les meilleures découvertes se font par accident et le projet Doppelgänger n’y fait pas exception ! Débutée il y a plus de dix ans, la série prend forme à partir d’un constat : la ressemblance avec autrui ! Très souvent comparée à d’autres personnes ou même certaines célébrités, Myriam a donc commencé à s’intéresser de près à ce phénomène populaire.
J’ai commencé à m’imaginer, à me demander ; comment on pourrait être perçu de l’extérieur ? Qu’est-ce que ça serait de me voir ? J’ai ainsi commencé à voir des gens qui se ressemblaient, j’en ai trouvé et j’ai fini par en faire une série. Le projet part donc d’une ressemblance de soi et va vers les autres.
– Myriam Tirler
Des Modèles hors du commun
Contrairement à d’autres projets, la recherche de modèles s’est avérée très difficile. Son élaboration a donc demandé du temps et beaucoup de persévérance. Au départ, la photographe les trouvait par ses propres moyens avant progressivement d’aborder le sujet auprès de son entourage. En dix ans, elle est ainsi parvenue à réunir une cinquantaine de modèles afin de réaliser sa série.
Ne recherchant pas la ressemblance parfaite comme dans le travail du photographe québécois François Brunelle ; Myriam se focalise sur la première impression et le trouble qui s’ensuit.
Moi justement, je joue avec la subjectivité et le ratage. J’aime bien que ça crée un trouble, mais ce n’est pas forcément évident. Ça pourrait être des frères et sœurs, des cousins éloignés même.
– Myriam Tirler
Pour la photographe, il est fréquent de croiser des personnes et de penser que c’est quelqu’un qu’on connaît. Cependant il y a différents degrés de ressemblance comme la ressemblance fulgurante.
Un ami m’a raconté comment il avait croisé une femme qu’il pensait connaitre lors d’une fête. Ils ont commencé à parler et au fur et à mesure de la conversation, il s’est rendu compte que ce n’était pas elle. Il a donc pensé à mon projet. Lorsqu’elles se sont rencontrées pour le shooting, l’autre fille a elle-même été très surprise, tellement la ressemblance était flagrante.
– Myriam Tirler
De vraies-fausses photos de famille
Presque toutes les photos sont réalisées à l’argentique avec un moyen format, Hasselblad. Avant de commencer le shooting, Myriam prend le temps de connaître ses modèles autour d’un café. Pour une grande majorité, c’est leur première fois devant l’objectif d’un photographe professionnel, il est donc nécessaire de les mettre en confiance.
Avec les contraintes de lumière et de temps, le lieu du shooting est déterminé par la photographe qui s’évertue de trouver un endroit qui correspond aux modèles. Mais cela n’est possible que dans le meilleur des cas. Généralement, pour faciliter l’agenda des uns et des autres, les endroits se rapprochent du lieu de vie de l’un des modèles.
Une fois le lieu déterminé, et les premières appréhensions évacuées, le shooting peut enfin débuter.
J’essaye de créer des petites mises en scène pour donner l’impression d’une photo de famille. Volontairement, j’essaye de ne pas rendre l’image trop rigide. Je veux qu’on ait l’impression qu’elles étaient, comme si je les avais trouvées là.
– Myriam Tirler
Le Doppelgänger, une figure inquiétante
Mais pourquoi ce titre énigmatique ? Issu du folklore germanique, le terme Doppelgänger signifie “le double” (doppel) qui nous “précède” (gänger). Derrière cette curieuse description, se cache un concept terrifiant. En effet, d’après le mythe, le Doppelgänger serait une créature porteuse de mauvais présages. Nous ressemblant trait pour trait, l’apercevoir signifierait que la mort n’est pas loin.
C’est un truc très flippant. Chez Freud, il décrit des choses familières, comme des souvenirs, rencontrés dans un contexte étrange, mystérieux. On appelle ça, l’inquiétante étrangeté ! C’est un sentiment qui te fait peur. Par exemple, tu arrives dans une ville que tu ne connais pas, tu vois une maison et tu as l’impression de l’avoir déjà vu. Doppelgänger en allemand, signifie lorsque tu vois ton double, tu meurs. Il y a un truc ambigu ! Ce n’est pas que de la ressemblance, c’est un truc un peu d’angoisse, l’inquiétante étrangeté. Quand tu vois quelque chose qui ressemble mais qui ne devrait pas être à cet endroit-là, il y a toujours comme un trouble. Il ne devrait pas avoir deux fois le même visage ! C’est comme si une personne avait usurpé l’identité d’une autre. Finalement, on se rend compte qu’on n’est pas du tout unique.
– Myriam Tirler
Au cours de son projet, Myriam a pu rencontrer une multitude de personnes, donnant parfois lieu à des situations plutôt cocasses.
C’est une anecdote assez drôle. J’ai un très bon ami qui a croisé dans un café un homme ressemblant à l’une de nos connaissances. Il a pris ses coordonnées et il m’a envoyé une photo du monsieur et effectivement il y avait bien une similitude. Comme cette personne vit à Barcelone, moi et mon ami nous y sommes allés pour le week-end. Une fois sur place, on se rend chez ce monsieur qui nous invite dans son appartement. Et là, je remarque que mon ami et lui étaient habillés quasiment pareil. Il y avait un truc très, très étrange. C’est comme si c’était son double à plein de niveau.
On passe un moment, on fait la photo, le monsieur était très sympa et il nous demande s’il peut faire une photo de nous comme souvenir. Bien entendu, on accepte ! Il pose son appareil photo sur un trépied et là il commence à manipuler son appareil. Mon ami me dit alors “quand je le vois faire des trucs, je me vois”. Il faut savoir que mon ami est scénographe, il est très méticuleux, il a des gestes très précis ; alors lorsqu’il a vu ce monsieur faire ces gestes, il s’est reconnu.
– Myriam Tirler
Ce que je trouve le plus troublant, c’est quand les personnes voient elles-mêmes la ressemblance. Des fois, on nous le dit et on ne trouve pas la ressemblance. Comme on ne se voit pas, on ne se voit pas bouger, on ne se voit que lorsqu’on se regarde dans une glace ou une photo. Mais on est déjà préparé, on ne se voit que sous un certain angle, la perspective est différente.
– Myriam Tirler
Myriam Tirler : Site – Instagram
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