L’enfance reconstituée de Richard Tuschman
Richard Tuschman est un photographe américain originaire du Midwest, vivant actuellement à New York. Sa créativité s’est d’abord exprimée à travers le dessin et la peinture avant qu’il n’intègre le monde de la photographie. Par conséquent, l’univers artistique du photographe est marqué par des esthétiques picturales mais également cinématographiques par certains aspects visuels. Sa première série Hopper Meditations, en hommage au peintre Edward Hopper, lui vaut plusieurs expositions, publications et récompenses. Par la suite, il réalise My Childhood Reassembled. Pour cette série, il a souhaité reconstituer une partie de son enfance, se basant sur ses albums de famille et ses propres souvenirs. Fascinantes à la fois artistiquement que techniquement; les images prennent vie dans la maison de son enfance et nous plongent dans le foyer d’une famille américaine de classe moyenne des années 1960.

Le parcours de Richard Tuschman, entre peinture et photographie
Richard grandi dans une famille appartenant à la classe moyenne américaine. Il découvre très jeune le dessin et la peinture puis la photographie. L’art prend ainsi totalement part à sa vie, d’autant plus lorsqu’il intègre une école d’art dans les années 1970. Il y étudie la gravure et la peinture et y fait beaucoup de photogravure et de photolithographie. La photographie fait partie de son travail par le biais de la photogravure ou du collage. Ce n’est cependant qu’avec l’arrivée de Photoshop, dans les années 1990, qu’il se tourne véritablement vers la photographie, n’étant pas à l’aise avec la traditionnelle chambre noire. Après ses études, il réalise une satisfaisante carrière de photo-illustrateur numérique. Par la suite, il commence à sérieusement photographier des modèles vivants, pour des commandes de couvertures de livres. Cette expérience l’a incité à apprendre davantage sur le métier de photographe, particulièrement sur l’éclairage et la narration. Aujourd’hui, la majeure partie de son temps est consacrée à la photographie d’art.

Enfant, j’adorais regarder les vieux albums de photos de famille et être transporté dans une autre époque et un autre lieu. J’aimais aussi le fait qu’il s’agissait de souvenirs et de relations réelles. J’ai donc reconnu très tôt le pouvoir émotionnel de la photographie. – Richard Tuschman
À la fois fascinés et intrigués par la réalisation de la série My childhood reassembled ; nous sommes allés à la rencontre de Richard Tuschman pour en apprendre davantage.

Comment vous est venue l’idée de cette série ?
Comme beaucoup de photographes contemporains, je travaille par séries. Au cours des douze dernières années environ, chacune de mes séries est devenue plus personnelle. Mes deux parents sont décédés, mais je suis très proche de mes deux frères et sœurs. Nos conversations tournent souvent autour d’événements et de souvenirs de notre enfance. Je ne peux exprimer à quel point il est important pour moi de partager ce passé avec des personnes que j’aime profondément. Il m’a donc semblé très naturel de revisiter cette période dans mon travail artistique. D’une certaine manière, je pense que j’ai créé cette série POUR mon frère et ma sœur.

Comment avez-vous réussi à recréer la maison de votre enfance ?
Le décor est un diorama de la taille d’une maison de poupée. Il m’a fallu près de cinq ans pour fabriquer la structure, les meubles et les accessoires. Pour que les images soient authentiques sur le plan émotionnel, je voulais reproduire, en miniature, chaque détail le plus fidèlement possible. Cela incluait, par exemple, la marque et le modèle de notre réfrigérateur, de notre télévision et de notre tourne-disque, les lampes de table, le téléphone et tous les meubles, jusqu’aux boiseries des chaises de la cuisine et le motif exact du rembourrage des meubles du salon.

Lorsque j’ai commencé le projet, j’ai parcouru les albums de photos de ma mère pour trouver toutes les photos de cette maison que j’ai pu trouver. J’en ai trouvé environ vingt-cinq au total, mais la plupart avaient été prises à l’extérieur, et seulement quelques-unes à l’intérieur. Il y en avait quelques-unes prises dans le salon, deux ou trois dans la salle à manger, mais aucune de la cuisine. J’ai donc dû recréer beaucoup de choses de mémoire, mais heureusement, j’ai une assez bonne mémoire.

Techniquement, comment prenez-vous vos photos ? Quelles sont les étapes du processus de travail pour arriver à ce résultat final ?
Tout d’abord, je conçois et construis les décors du diorama, et je réalise quelques concepts de storyboard. Ensuite, j’éclaire et je photographie les dioramas avec de petits mannequins en bois qui remplacent les modèles vivants. Ces images deviennent à la fois mes storyboards définitifs et les arrière-plans des photographies finales. J’éclaire et je photographie ensuite les modèles vivants sur une toile de fond unie afin que l’éclairage corresponde à celui des dioramas.

Enfin, je combine les images des modèles vivants avec les dioramas dans Photoshop, où j’ai parfois renforcé les qualités picturales en post-production, bien que je m’efforce de faire tout ce que je peux dans la caméra. Cette façon de travailler me permet de contrôler les éléments du décor, de l’éclairage et de la composition. Tous ces aspects sont fortement inspirés par le théâtre et le cinéma, ainsi que par la peinture. Si je m’efforce de rendre les décors miniatures aussi convaincants que possible, ils s’écartent juste assez de la réalité pour renforcer l’ambiance théâtrale, légèrement surréaliste.


Richard Tuschman : Site – Instagram
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Les fantastiques autoportraits colorés et décalés de Joost Rutten
Photographe néerlandais âgé de seulement 17 ans, Joost Rutten a déjà son propre univers artistique. Colorées et décalées, ses photographies nous font voir des lieux à priori sans grand intérêt avec un regard nouveau. S’amusant avec sa propre représentation, toutes les images qu’il crée sont des autoportraits parfaitement réalisés. Joost y lie une composition réfléchie ainsi qu’une maîtrise du traitement post-production; rendant ainsi le résultat final très créatif et visuellement captivant.

Le jeune photographe a commencé la photographie il y a tout juste un an, lorsqu’il a eu son premier appareil photo. Il était toutefois familier avec le monde l’image, puisqu’il montait des vidéos depuis un certain temps. Le choix de la photographie s’est présenté à lui comme l’opportunité d’exprimer davantage sa créativité, avec plus de liberté. En février 2022, il a ainsi publié son premier ensemble cohérent d’œuvres. « Nothing is Supposed to Make Sense » est composé de 50 images réalisées sur une période de six mois.
Depuis que j’ai mon appareil photo, je suis tombé amoureux de ce médium et j’ai pris des photos tous les jours.
- Joost Rutten

Une inspiration musicale
En observant les photographies de Joost, à la signature artistique bien marquée, nous nous sommes demandé d’où l’inspiration lui venait. Bien que s’inspirant beaucoup d’autres artistes, qu’il croise notamment sur les réseaux sociaux, c’est la musique qui l'nfluence le plus.

J’écoute presque toujours de la musique lorsque je photographie, cela affecte ma façon de photographier. J’ai remarqué que lorsque je découvre un nouvel artiste et que je commence à l’écouter pendant mon processus créatif, mon style change. Lorsque j’écoute de la musique, je suis complètement déconnecté de mon environnement. Je peux alors mieux me concentrer sur ce que je crée. La musique que j’écoute varie beaucoup, de groupes comme Pixies à Kanye West en passant par les Strokes.
- Joost Rutten

Univers décalé et maîtrise de Photoshop
Toutes les présences humaines sur les images sont des autoportraits, réalisés à l’aide d’un minuteur. Les endroits où prennent place les créations de Joost sont trouvés par lui-même au gré de ses promenades. Au premier regard, ces lieux semblent plutôt ennuyeux et dénués d’intérêt. Mais lorsque Joost se les approprie et s’y met en scène, l’atmosphère change immédiatement. Le post-traitement, grâce à sa maîtrise de Photoshop, permet à Joost de recréer parfaitement l’idée qu’il a en tête et de façonner le lieu comme il l’imagine.
Presque toutes mes images sont des photos multiples composées ensemble pour créer l’idée exacte que j’avais en tête. Les couleurs, les objets et les personnages sont toujours fortement manipulés dans Photoshop. L’édition est l’une des parties les plus importantes de mon flux de travail.
- Joost Rutten

Laisser place à la réflexion du spectateur
Joost n’a pas vocation de transmettre des messages ou des sentiments particulier à travers ses photos. Il souhaite plutôt laisser le spectateur à sa propre réflexion.
Lorsque les images ont une histoire personnelle derrière elles, je n’en parle pas car j’aime que le spectateur puisse voir ce qu’il veut dans l’image. D’une manière générale, mon travail est destiné à dérouter le spectateur et à le laisser réfléchir.
- Joost Rutten

Une photo particulière
Parmi ses images, nous avons demandé s’il y en avait une qui lui tenait particulièrement à coeur, et s’il pouvait nous en dévoiler la raison.
Ma pièce « Missing Pieces » est spéciale pour moi car elle marque le début de ce style que j’ai développé au cours de l’année dernière et parce qu’elle visualise un sentiment que je ne pouvais pas vraiment expliquer avec des mots. Lorsque j’ai réalisé cette image, j’étais confus et frustré par moi-même et j’avais besoin de l’exprimer d’une certaine manière. J’ai eu l’idée de cette image, et quand j’ai eu fini de la créer, j’ai réalisé que c’était le type de travail que je voulais faire. Je pense toujours que c’est l’une de mes meilleures images. Conceptuellement parlant, c’est certainement l’une de mes préférées.
- Joost Rutten




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La beauté sans âge saisie par le photographe Réhahn
Voyageur passionné, Réhahn a visité d’innombrables pays. Né à Bayeux en Normandie, c’est aujourd’hui à Hoi An, au Vietnam, qu’il habite. Tombé sous le charme du pays et de sa culture, il se rend au Vietnam pour la première fois en 2007, dans le cadre d’une mission humanitaire avec l’association Les Enfants du Vietnam. C’est par la suite sa rencontre avec Madam Xong, capitaine d’un petit bateau touristique, qui va changer le cours de sa vie. Il va en effet photographier cette femme, dont le portrait « Hidden Smile » va devenir l’une des images emblématiques du photographe. Bien qu’il soit probablement son portrait le plus connu, c’est avant tout un tournant dans sa vie et sa carrière, ainsi que le début d’une amitié sincère entre la femme septuagénaire et Réhahn. Le photographe dépasse les frontières tant géographiques que culturelles et place son regard et son objectif au service de la beauté éternelle.

Madam Xong est notamment la muse du photographe pour sa série Ageless Beauty (La beauté n’a pas d’âge). Cette série met à l’honneur les marques du temps sur les femmes et les hommes posant face à l’objectif. Opposée aux standards de beauté majoritairement mis en avant dans notre société, cette série célèbre la vie, le temps, l’âge et ses signes. Débordants de sincérité, de joie et d’histoire, ces portraits nous transportent dans un monde où la beauté est partout, en chaque personne, en chaque détail, en chaque marque laissée par le temps.
LE PROJET PRECIOUS HERITAGE
Depuis plus de 10 ans, Réhahn porte le Projet Precious Heritage basé sur les 54 groupes ethniques du Vietnam. En partant à la rencontre de ces tribus vivant dans le pays, le photographe présente un recensement du patrimoine culturel, de l’artisanat et des histoires de chacune. Réhahn atteint son objectif en 2019, en rencontrant les Chut. Le projet a rapidement dépassé le statut de projet personnel. Au fur et à mesure de ses rencontres avec les tribus, les chefs des communautés remettaient à Réhahn des objets ainsi que des costumes traditionnels. C’est alors que le Musée Precious Heritage ouvrit ses portes à Hoi An en 2016. Joignant photographies, costumes, musiques et contes, le Musée honore l’histoire de toutes les tribus que le photographe a rencontrées.

Nous sommes partis à la rencontre de Réhahn, afin de lui poser nos questions sur cette série particulièrement touchante, et sur ce qui l’a poussé à la réaliser.
Diriez-vous qu’il y a un moment précis au cours duquel vous avez su que vous consacriez votre vie à la photographie et la rencontre avec le Monde ?
Je pense que mon voyage au Pérou – Bolivie a été un déclencheur pour la photo mais le Vietnam a confirmé mon envie de voyager et de capturer ce que je voyais. Je suis venu au Vietnam pour rencontrer une famille que je parrainais et je suis littéralement tombé sous le charme des Vietnamiens et du style de vie ici. Quand j’ai décidé d’y emménager en 2011, j’ai su que je ne ferai plus que cela.

Comment vous est venue l’envie de réaliser cette série ? Que signifie-t-elle pour vous ?
La série Ageless Beauty (La beauté n’a pas d’âge) m’a été inspirée par Madam Xong (la fameuse mamie sur la couverture de mon premier livre). Je peux dire qu’elle est ma muse depuis le début. J’ai été émerveillé par la joie de vivre et la résilience des femmes notamment. Malgré l’âge et la pauvreté, elles ont gardé un sourire d’enfant. Je me suis dit que j’avais envie de vieillir ici en espérant être imprégné de leur joie de vivre. Je peux dire que pour l’instant cela me réussi.

Est-ce la photo qui permet la rencontre ou la rencontre qui permet la photo ?
J’ai toujours préféré la rencontre et les gens à la photographie. La photo est un prétexte pour découvrir des cultures et se faire des nouveaux amis. Je ne conçois pas voler des photos sans savoir qui est la personne. Parfois, je passe plusieurs heures avec la personne avant de la photographier. Je crois que l’interaction est le secret d’un portrait réussi. Je garde contact avec beaucoup de ces personnes, je passe parfois boire du thé avec elles. Si je vends leurs photos, je les soutiens financièrement. Il y a des gens que je vois depuis plus de 10 ans. J’ai vu des enfants grandir et des petites mamies nous quitter malheureusement. C’est une grande famille.

Avant de réaliser le portrait, y a-t-il un certain moment de préparation ? Ou conservez-vous le maximum de naturel en réalisant des portraits sur l’instant présent, sans pose ni préparation particulière ?
Chaque portrait est différent, mais en général, j’essaye de les faire rire avec mon Vietnamien approximatif. Heureusement, j’ai une amie qui m’accompagne pour traduire. Je veux que les gens se sentent à l’aise et capturer ce qu’ils sont vraiment.

Comment choisissez-vous les personnes que vous photographiez ? Y-a-t-il un détail (physique ou gestuel), une histoire, une rencontre en amont, un regard, à l’origine de la prise de contact ?
C’est une question de feeling. Je suis attiré par les gens qui sourient et au Vietnam, cela ne manque pas. Leur tenue si c’est une ethnie, la barbe si c’est un homme, les yeux, les rides… sont des paramètres que je prends en compte. Il y a des gens qui sont vraiment photogéniques. Leur histoire est la touche finale. J’aime qu’une photo montre une émotion et non une pose du type studio.

S’il devait y avoir un peuple, une tribu que vous n’avez pas encore photographiée mais que vous aimeriez beaucoup rencontrer et photographier, ce serait le/laquelle et pour quelles raisons ?
En 10 ans, j’ai rencontré toutes les ethnies du Vietnam mais il y en a que j’aimerai revoir encore et encore; comme les Co Tu ou les Dao qui confectionnent et portent encore le costume traditionnel. J’ai lié beaucoup d’amitiés dans ces villages. Il m’arrive d’y rester des journées entières. Ils sont souvent en pleine nature et ça me coupe du monde moderne.

Y a-t-il une photo, parmi cette série, qui vous a particulièrement marquée ? Par une rencontre, une anecdote, un imprévu ?
Je pense qu’il y a beaucoup de rencontres qui ont changé ma vie et ma vision du monde. Mais celle qui me vient à l’esprit reste Madam Xong qui illustre parfaitement la série Hidden Smile (sourires cachés). Nous sommes nés le même jour et tous les ans nous fêtons notre anniversaire ensemble le 4 Mai. Elle vit à Hoi An donc c’est facile.



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Ces films qui parlent de photographie
S’inspirant régulièrement l’un de l’autre, photographie et cinéma ont toujours eu une relation particulière. Nombreux sont les réalisateurs du 7ème art qui puisent leur inspiration dans l’univers de la photographie. Voici une sélection de 10 films qui parlent de photos, sortis ces dernières années. Pour encore plus de suggestions, consultez notre Top 30.
Life – 2015
Réalisé par Anton Corbijn

Dennis Stock (interprété par Robert Pattinson) est un photographe de Life Magazine faisant un reportage sur James Dean, en 1955, à la veille de la sortie d’À l’est d’Éden. James Dean était un acteur américain, né le 8 février 1931 et mort le 30 septembre 1955, alors âgé seulement de 24 ans, victime d’un accident de voiture. Cet arrêt soudain, à l’aube de sa gloire, contribue au mythe et à son entrée au panthéon du cinéma américain. Il fut notamment nommé deux fois à l’Oscar du meilleur acteur à titre posthume.
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Camille – 2019
Réalisé par Boris Lojkine

Camille est une fiction réalisée d’après la vie de Camille Lepage, photo-reporter durant la guerre civile de République centrafricaine de 2013-2014 durant laquelle elle fut tuée. En 2013, la République centrafricaine est ravagée par la guerre civile. La jeune photo-reporter Camille va y concilier ses deux passions pour l’Afrique et la photographie. Cependant, le chaos qui règne dans le pays va vite la rattraper.
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Normandie Nue – 2018
Réalisé par Philippe Le Guay

Petit village normand où la crise agricole touche gravement les éleveurs, à bout de force et ruinés. Une manifestation s’organise et un barrage routier est mis en place. Blake Newman, photographe américain spécialisé dans le nu, se voit bloqué par les manifestants. La rencontre entre le photographe et le maire du village (François Cluzet) va faire naître une collaboration surprenante. En effet, le maire propose au photographe de faire poser nus les gens du village. Querelles familiales ancestrales et pudeur généralisée seront au rendez-vous dans cette comédie dramatique.
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La Caméra de Claire – 2017
Réalisé par Hong Sang-soo

Présenté en séance spéciale au Festival de Cannes 2017, La Caméra de Claire c’est la rencontre entre deux femmes lors de ce même festival. L’une s’appelle Manhee, renvoyée de son travail par sa patronne, productrice de cinéma et maîtresse d’une cinéaste coréen alcoolique, l’autre s’appelle Claire, photographe française. Claire en vient à photographier Manhee et lui confie que les gens changent une fois qu’ils sont pris en photo par elle.
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Le Secret de la Chambre Noire – 2017 (Daguerreotype)
Réalisé par Kiyoshi Kurosawa

Tahar Rahim interprète Jean, un trentenaire devenu assistant photographe de Stéphane, photographe professionnel. Ce dernier est propriétaire d’une riche maison dans un petit ville proche de Paris, avec sa fille et son ancien assistant. Jean devra faire face à des épreuves dans un monde où les frontières entre réalité et au-delà sont inexistantes.
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Tracks – 2016
Réalisé par John Curran

Inspiré de faits réels, l’histoire se passe en 1975. Robyn Davidson (Mia Wasikowska) est une jeune femme en quête de sens dans sa vie. Elle quitte tout pour traverser le désert australien sur 2700 km, accompagnée de son chien et de quatre chameaux imprévisibles. Son périple sera rythmé par des rencontres qui lui permettront de découvrir sa force intérieure. Sa solitude sera troublée par Rick Smolan (Adam Driver), un photographe du National Geographic qui couvre son expédition.
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L’Amour des Hommes – 2017
Réalisé par Mehdi Ben Attia

Après la mort de son mari tué dans un accident, Amel se lance dans la photographie. Elle décide de photographier des hommes inconnus croisés dans la rue, parfois dans un style érotique. Le film montre le parcours d’une jeune femme tunisienne aux aspirations artistiques qui tente de s’imposer et de trouver sa place.
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Le Photographe – 2020 (Photograph)
Réalisé par Ritesh Batra

À Mumbai, en Inde, Rafi est photographe ambulant pour les touristes. Il photographie un jour une jeune fille, qui part sans payer, le photographe étant occupé. Poussé par la pression sociale et le chantage de sa grand-mère, Rafi, trentenaire toujours pas marié, va s’inventer une relation avec la jeune fille afin de rassurer ses proches. Ne voulant pas avouer son mensonge, Rafi retrouve la jeune fille, qui est issue d’une famille très aisée souhaitant un bon parti pour elle. Tous deux vont jouer le jeu pour sauver les apparences. Cependant, les deux faux amoureux vont peu à peu finir par s’apprécier…
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Vers la Bataille – 2021 (Towards the Battle)
Réalisé par Aurélien Vernhes-Lermusiaux

Mexique, au milieu du XIXè siècle. Louis est un photographe français. Il convainc un général de l’armée française de l’envoyer à l’étranger pour photographier les combats. Une fois sur place, tout ne se passe pas comme prévu. Il se perd, la fatigue le gagne et il a de plus en plus de mal à se déplacer avec tout son matériel. Il rencontre Pinto, un paysan mexicain. Ce dernier va l’aider à le remettre en marche. Cependant, leurs destins vont se lier et vont devoir lutter ensemble contre les fantômes de leur passé.
Découvrez la bande-annonce du film.
Il pleuvait des oiseaux – 2019
Réalisé par Louise Archambault

Trois ermites, Charlie, Tom et Boychuck vivent dans la forêt de l’Abitibi, isolés du reste du monde. Leur quiétude ne tarde pas à prendre fin. Tout d’abord l’un d’eux décède, Boychuck. Par la suite, une femme en reportage dans la région, au sujet d’un incendie de forêt ayant fait rage longtemps, cherche le défunt Boychuck pour obtenir son témoignage. Bientôt, une seconde femme arrive, internée à l’âge de 16 ans pour des motifs religieux, fuyant le centre psychiatrique. C’est une nouvelle vie qui s’ouvre à chacun des personnages.
Découvrez la bande-annonce du film.
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Turbulences, Ben Thouard photographie la légendaire vague de Teahupo’o
Bercé depuis le plus jeune âge au son des vagues de la Méditerranée, Ben Thouard est un photographe sous-marin. À travers ses images, Ben transmet sa passion pour le surf, la mer, la vague. Installé en Polynésie française après avoir décidé de changer de vie, il photographie aujourd’hui les plus impressionnantes vagues au monde. Son terrain de jeu favori, la légendaire vague de Teahupo’o, à la fois le paradis et l’enfer des amoureux du surf. À travers sa série Turbulences, Ben se confronte aux éléments. Loin de vouloir les maîtriser, il se plie à leur volonté, à leur puissance. Bien que figée, la vague paraît poursuivre son mouvement. Le photographe repousse sans cesse les limites, s’approche au plus près de la vague et devient le témoin privilégié d’un instant qui semble hors du temps.

Passionné d’océan et de photographie depuis toujours
L’océan fascine, l’océan attire, l’océan terrifie… Quoi que nous ressentions face à lui, il laisse peu de monde indifférent, et certainement pas Ben Thouard. Initié très tôt au surf par ses frères et emmené en mer par son père marin lorsqu’il n’était encore qu’un enfant; la mer a toujours fait partie de sa vie. En parallèle de cette passion, Ben découvrit l’art. D’abord par la peinture, il fut vite captivé par la photographie. Le premier appareil photo qu’il tient en main est un vieux boitier trouvé dans le grenier de ses parents. La passion est née.
Ce n’est qu’à l’adolescence que je découvre la photographie, lorsque je trouve par hasard un vieil appareil photo dans le grenier de mes parents. J’achète quelques pellicules, je shoot, j’échoue, je shoot encore… et je réalise que tout ce processus me fascine.
Ben Thouard

Il suit alors une formation dans une école de photographie à Paris. Durant ces premiers mois, il apprend tout ce qu’il peut apprendre, et plus encore. Mais il est vite rattrapé par son obsession pour le surf, pour l’océan, qui ne peut être compatible avec la vie parisienne. Il décide alors de quitter l’école de photographie avant la fin. Il s’envole en 2006 pour Hawaii, où sa vocation va se dessiner.

Coup de coeur pour Tahiti
Après cette expérience sur l’île d’Hawaii, Ben s’installe à Tahiti, où il fera la rencontre de la légendaire vague de Teahupo’o. Cette vague, bien connue des surfeurs qui la surnomment «la mâchoire», est particulièrement puissante et épaisse. Elle peut atteindre les 5 mètres de haut (parfois jusqu’à 10 mètres) et avoir près de 4 mètres de diamètre. Elle accueillera notamment les Jeux Olympiques 2024 de Paris. Ces caractéristiques font d’elle l’une des plus dangereuses vagues au monde. Teahupo’o signifie «montagne de crânes» en vieux tahitien… Explicite.
Je joue avec les limites, je me retrouve sous l’explosion de la vague, à quelques centimètres du récif.
Ben Thouard pour France Bleu

Ben Thouard a photographié cette vague sous tous les angles. Que ce soit au-dessus ou en-dessous de la surface de l’eau; le photographe ne fait aujourd’hui pratiquement plus qu’un avec la vague. Et pourtant, celle-ci a toujours de quoi offrir au regard, à l’objectif. Après une série qu’il nomme Surface, qui comme son nom l’indique montre la puissance de la vague au-dessus de l’eau, c’est cette fois avec Turbulences que le photographe prend comme sujet la vague Teahupo’o.

Turbulences
Cette fois, c’est principalement ce qui se passe sous la surface de l’eau qui est immortalisé par Ben. Même si des images de la partie au-dessus de l’eau sont également présentes puisqu’illustrant les turbulences de la surface.
En fait, sous cette vague de Teahupo’o, qui est une des vagues les plus puissantes au monde, il y a tout un spectacle, extraordinaire. Ces mouvements, on a vraiment une sorte d’explosion sous-marine quand la vague se brise, qui forme ces anneaux. Voilà, c’est des formes un petit peu surprenantes qu’on voit nulle part ailleurs et qui, moi en tout cas, m’ont fasciné. Et qui, je pense, intéressent pas mal de monde, même en dehors du milieu du surf, puisque c’est vraiment surprenant.
Ben Thouard pour France Bleu

Les silhouettes des surfeurs domptant la vague, les remous, les textures, les détails, la puissance… C’est un nouveau regard que le photographe pose sur Teahupo’o. Cette série photo a demandé beaucoup de préparation, à la fois techniquement et physiquement. Certaines images demandent des mois. Et lorsqu’on photographie l’une des vagues les plus puissantes du monde, en étant dans l’eau à la nage, armé seulement d’un appareil photo dans son caisson étanche, il y a de nombreux risques.
Ce qui est complexe avec ces photos de vagues, c’est qu’on ne les prend pas depuis la terre ferme. On est littéralement dans l’eau, dans les rouleaux. Composer avec un environnement en mouvement demande de très bien le connaitre, et surtout, il faut que je sois sûr que mon matériel va réagir vite et bien.
Ben Thouard pour Lense

Le goût du challenge
Techniquement, il faut beaucoup de connaissances, de maîtrise et le goût du challenge pour réaliser ces photographies. Lorsqu’on photographie sous la surface de l’eau, la lumière vient à manquer, la stabilité n’est pas au rendez-vous et l’imprévisible est de mise. Alors, quand on photographie sous la surface de l’impressionnante vague de Teahupo’o, c’est encore un challenge qui vient s’ajouter à la liste.

C’était à la fois un challenge physique, et un challenge technique également, puisqu’on se retrouve sous l’eau, il y a peu de lumière, il y a quelque chose qui est très rapide, qui est soudain, qu’on a du mal à prédire. Donc ça a été comme ça toute une sorte de challenges qu’il a fallu surmonter et qui est réuni dans ce livre «Turbulences».
Ben Thouard pour France Bleu

Le livre photo Turbulences, le second après Surfaces de Ben Thouard est sorti en 2021. Vous pouvez le retrouver sur son site internet.
Ben Thouard : Site – Facebook – Instagram
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La fragilité de la Nature par Ingrid Weyland
Ingrid Weyland est une photographe originaire de Buenos Aires, en Argentine. Elle puise son inspiration dans le lien qu’elle entretient avec la Nature qui l’entoure. Elle joue à merveille avec les textures et la composition, qui apportent originalité et puissance à ses images. À travers Topographies of Fragility, Ingrid explore la relation entre l’Homme et la Nature; et tout particulièrement l’impact violent du comportement du premier sur la seconde. Elle se sert de son art pour réaliser une métaphore sur la fragilité de la nature mais également sur la fragilité de l’humanité elle-même, directement liée à celle de l’environnement.

Un parcours guidé par l’art
Issue d’une famille de sculpteurs et d’architectes. Elle grandit dans une maison avec ses grands-parents, au milieu de crayons de couleur, de papier à dessin, de plans, d’encre et d’argile. L’art et la composition ont ainsi plus ou moins toujours fait partis de sa vie. Elle réalise des études en design graphique mais se tourne rapidement vers la photographie. Elle travaille ainsi au croisement de différents matériaux et mondes.
Je m’intéresse de plus en plus au concept de « photographie élargie », où la photographie fusionne avec d’autres domaines des arts visuels, comme le collage ou différents types d’interventions manuelles. J’ai réalisé que la photographie pure ne suffisait pas à traduire mes expériences et mes préoccupations. J’ai donc décidé d’essayer de nouveaux modes d’expression en manipulant les tirages. J’aime expérimenter et défier les limites de la photographie, ainsi que mes propres limites.
Ingrid Weyland

Sa série Topographies of Fragility explore la relation entre l’Homme et l’environnement; mais également la relation qu’entretient la photographe elle-même avec la Nature. La Nature a toujours fait partie de sa vie et de son travail, même lorsqu’elle réalisait davantage des portraits.
La nature est, et a toujours été, mon « endroit sûr ». Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion de voyager du sud de l’Argentine à la calotte glaciaire du Groenland, à la recherche de paysages à l’ambiance et à la beauté particulières. Ce sont des paysages vierges, presque surréalistes, où l’immensité de la Terre se révèle. Je me suis retrouvée à tisser un lien intime avec cet environnement.
Ingrid Weyland
La naissance de Topographies of Fragility
Elle fut particulièrement fascinée par les paysages qu’offre l’Islande. Cette île lui paraît sortie d’un monde inconnu, magique. C’est au milieu de ces endroits majestueux qu’elle a pris conscience du changement sur l’environnement et les paysages, conséquences de l’Homme et son comportement. Cette série rend à la fois hommage à la beauté envoûtante des paysages naturels; mais également à leur fragilité, de plus en plus visible.
C’est à ce moment précis que j’ai réalisé que j’avais un besoin urgent d’inspirer le changement. J’ai senti que le simple fait de montrer de beaux paysages ne suffisait pas. Je voulais trouver un moyen de transmettre la beauté et la décadence en même temps. Je voulais que mon travail rappelle aux gens l’impact qu’ils ont et qu’ils s’arrêtent pour réfléchir à ce que nous risquons de perdre à cause du changement climatique.
Ingrid Weyland

La série d’Ingrid se caractérise par une méthode particulière qui en fait son originalité. En effet, la photographie contient une superposition de deux images d’un même paysage ; l’une en parfait état, l’autre froissée et positionnée sur la première. C’est fin 2019, en faisant du tri dans ses tirages ratés, qu’Ingrid froisse un de ses tirages et le jette à la poubelle. C’est alors que l’idée lui vint.
J’ai ressenti cela comme un sacrifice. Lorsque je me suis approchée et que j’ai regardé le papier froissé, il m’est apparu qu’il y avait un parallèle entre mon image froissée et la façon dont nous, les humains, traitons la nature comme si elle était jetable. Le mot « papier » a commencé à vibrer dans ma tête.
Ingrid Weyland

La réalisation des images
Le réel commencement de ce projet débuta lors d’un voyage au Groenland. La photographe admira alors les icebergs qui lui firent de nouveau penser, par leurs formes variées, à du papier froissé. De retour chez elle, le travail commença. Elle entreprit de remodeler les images de ses paysages afin d’en créer des différentes.
De la même manière, nous, les humains, modifions et endommageons notre environnement avec des conséquences parfois irréversibles.
Ingrid Weyland

Pour aboutir à ce résultat, Ingrid expérimente toujours plusieurs types d’agressions, de la plus minime à la plus violente. Puis c’est tout un processus, de l’agression de la feuille à la superposition des images jusqu’à la rephotographie de l’ensemble.
J’imprime mon image principale en fine art, puis j’en tire des copies sur différents types de papier et en utilisant différentes méthodes d’impression, car chaque papier réagit différemment. C’est étonnant de voir comment le papier résiste au début, il se défend, il ne veut pas être détruit, mais à la fin, il doit céder…
Ingrid Weyland

On dit qu’une feuille de papier froissée ne peut jamais retrouver sa forme initiale ; les lignes restent. De la même manière, la nature qui est envahie de manière irrespectueuse est à jamais brisée, et dans de nombreux cas irrécupérable.
Ingrid Weyland
Poursuivre cette série
Cette série est toujours en cours, et Ingrid aimerait pouvoir la poursuivre longtemps. Continuer d’apprendre et de comprendre le rôle de l’Homme sur son environnement et ce qu’il est possible de faire pour éviter l’irréparable.
Attirée depuis toujours par les territoires froids et glacés, elle aimerait se rendre dans des endroits tels que la Patagonie et le Groenland. Ces endroits du bout du monde la fascinent tout particulièrement.
J’ai toujours été attiré par les endroits froids et glacés. Je suis attiré par les paysages qui génèrent un sentiment de vide. Étrangement, ce vide me comble.
Ingrid Weyland

Les régions arctique et antarctique jouent un rôle clé dans l’avenir du changement climatique, car elles contribuent toutes deux à maintenir l’équilibre climatique de notre planète. J’espère pouvoir visiter l’Antarctique bientôt !
Ingrid Weyland

Une expérience émotionnelle
Lorsque j’arrive dans un nouvel endroit, je prends généralement un certain temps avant de commencer à photographier pour me connecter à l’environnement et me familiariser avec mon entourage. Lors d’un de mes voyages en Islande, qui est un endroit où l’on sent que même la magie est possible, j’étais seule. Je marchais dans une vallée verdoyante et le long d’une rivière aux eaux cristallines, et je me suis tenu au-dessus d’un petit rocher. J’ai commencé à prendre des photos. J’ai complètement perdu la notion du temps, je suis entré dans un état de transe, c’était une atmosphère de rêve, le monde autour de moi a disparu. Ce qui m’a semblé être quelques heures plus tard, je me suis soudainement et brusquement « réveillée ». Je ne sais pas ce qui m’est arrivé ou ce que j’ai fait pendant ce laps de temps. Je sais seulement que je n’avais jamais ressenti ce sentiment de calme, de bien-être et de communion avec la nature auparavant.



Ingrid Weyland : Instagram
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Au coeur de la tempête avec Maxime Daviron
Maxime Daviron est passionné de photographie et d’orages. Bien que l’envie de lier ses deux passions lui apparaisse rapidement comme une évidence ; il attend plusieurs années avant de concrétiser ce projet. Il lui a fallu acquérir l’expérience nécessaire, en montagne comme en photographie, afin de capturer, le plus fidèlement possible, ces scènes dont il est un témoin privilégié. Photographe professionnel, il part ainsi à la découverte de lieux naturels grandioses, qu’il fige dans leurs jours les plus survoltés. Ces images reconnaissent une place centrale à la Nature et son univers s’inscrit dans des ambiances surréalistes et oniriques. Cette série nocturne, ramification de « Terres Perdues » est aussi impressionnante que fascinante, et nous plonge au coeur de la tempête.
Nous sommes partis à la rencontre de Maxime, afin d’en savoir plus sur son univers photographique.

Pour commencer, pouvez-vous nous en dire plus sur vous et votre parcours ? Comment et pourquoi avez-vous commencé la photographie ?
Aussi loin que je me souvienne, la photographie a toujours occupé une place importante dans ma vie. Enfant, la moindre occasion était bonne pour traîner avec moi un appareil jetable de 36 poses (quand ça n’était pas le Kodak automatique de mes parents). La suite logique était donc le passage au numérique. Au départ sur quelques bridges Fujifilm. Mais le véritable déclic arriva dans la seconde moitié des années 2000, avec la naissance de ma passion pour les orages. Si je me contentais au début de les filmer, l’envie de figer la foudre sur une image fixe devint vite plus grande, me poussant à acquérir mon premier réflex à l’été 2008.
En parallèle des orages, j’ai alors commencé à chercher quelque chose de plus que le simple aspect « témoignage » de la photographie. C’est ainsi que s’est peu à peu formé l’embryon d’une démarche artistique, et l’envie de tenter d’en vivre. Après mon bac, j’ai donc intégré l’ETPA, une école de photographie toulousaine, de 2011 à 2013. Enrichi par cet apprentissage, j’ai directement pris mon premier statut d’indépendant. Neuf ans plus tard, je continue toujours dans cette direction.
Dès le début des années 2010, j’ai commencé à travailler par séries : certaines sont « permanentes », et ne cessent de se construire au fil des années. Tandis que d’autres sont réalisées sur de plus courts termes, généralement avec une unité de lieu et de temps. Toutes possèdent un propos, un concept et des influences qui leur sont propres.

Que cherchez-vous à transmettre à travers cette série ?
Cette série est en réalité une ramification de « Terres Perdues », que je définirais comme mon travail photographique principal. C’est le plus important et personnel, centré sur des atmosphères de haute montagne.
Il émane une certaine puissance des hautes altitudes sauvages. Différents sentiments s’y entremêlent : fascination, angoisse, humilité. Une étrangeté omniprésente éveille des instincts enfouis, ramenant l’esprit au stade d’une sorte de contemplation craintive face aux forces brutes qui semblent habiter ces immensités.
C’est de cet état de conscience introspectif que « Terres Perdues » puise ses racines. La démarche de la série est avant tout artistique : sous des influences picturales et cinématographiques, elle cherche à raconter une histoire à travers chaque image ; rassemblant les fragments de visions insoupçonnées dans l’idée d’évoquer un monde primitif, antérieur à l’anthropocène. En cela, les éléments climatiques les plus tourmentés agissent comme un révélateur, exacerbant le « sauvage » qui règne là-haut.
Pousser le concept encore plus loin, en liant cet univers vertical à celui des atmosphères électriques qui me fascinent tant, s’imposait alors comme une évidence. Une démarche qui, si elle semblait logique, aura dû attendre de longues années avant de se concrétiser. Le temps d’acquérir une expérience indispensable sur le milieu de la montagne, et les conditions climatiques qui lui sont propres. C’est une approche qui s’inscrit sur le long terme : car capter ces scènes « sans tricher » demande inévitablement de la patience – mais le propos réside aussi dans la véracité de ce qui est montré.

Quelles sont, selon vous, les difficultés majeures rencontrées dans la photo de nuit ?
Sans surprise, la difficulté dans le cas de la photographie nocturne est de réaliser une exposition correcte. J’essaie de faire en sorte que celle-ci soit aussi équilibrée que possible. À savoir sans zones sur ou sous-exposées, à moins que cela serve un propos artistique ou aide à retranscrire l’atmosphère telle que je l’ai perçue.
Outre les problématiques classiques comme celle du bruit numérique, viennent évidemment s’ajouter toutes les difficultés inhérentes à la photographie d’orages : il s’agit d’exposer correctement à la fois le paysage, mais aussi les éclairs. Un exercice d’équilibriste qui demande de conscientiser chacun de ses choix techniques, et de les maîtriser au mieux.

Quel matériel utilisez-vous pour réaliser ces images et quels réglages sont nécessaires pour capturer ces éclairs ?
Du point de vue du matériel, pour le moment cette série est intégralement réalisée avec un Nikon D750 ainsi que trois focales fixes : 20mm, 50mm et 85mm. La question des réglages est cruciale. Car si la technique est simple sur le papier; elle demande en réalité un perpétuel apprentissage sur le terrain pour s’affiner au gré des différentes situations et contextes, chaque orage étant unique. Si la nuit permet de longues expositions, la prise de vue diurne demande en revanche l’utilisation d’un détecteur spécial, appelé « cellule de déclenchement ».
Dans tous les cas, il faut savoir s’adapter à de nombreux facteurs : intensité des précipitations, puissance des éclairs, déplacement de l’orage… Mais au-delà de l’aspect photographique, 90% du travail consiste en réalité à savoir faire ses propres prévisions à partir de données brutes. Il faut aussi apprendre à connaître et comprendre les orages à la fois dans la théorie et sur le terrain.
Le maître mot dans la photographie de foudre est l’anticipation : il s’agit de toujours conserver un temps d’avance pour ne pas se laisser surprendre ; que ce soit du côté des réglages ou de sa propre sécurité. J’ai justement rédigé un article sur le sujet pour le site Chasseurs d’Orages. Il compile tout ce qu’il faut savoir pour s’initier à la photographie de foudre (d’autres dossiers abordant les autres aspects de la pratique y sont également disponibles).

Combien de photos réalisez-vous avant d’obtenir LA photo que vous conserverez ?
Dans mon cas, pour cette série en altitude, j’ai souvent en tête une composition bien spécifique. La réaliser nécessite généralement plusieurs repérages, notamment pour trouver des abris adaptés. Parfois il faut de multiples tentatives avant que les conditions souhaitées soient réunies et que la foudre frappe à l’endroit espéré.
Ensuite, il faut garder à l’esprit que chaque orage produira un certain nombre d’éclairs, et donc autant de photos différentes. Parfois une poignée, parfois des centaines.

Que ressentez-vous lorsque vous vous retrouvez face à ces vastes paysages et à une nature qui se déchaîne ?
Ces sentiments sont probablement les principaux moteurs qui animent cette obsession pour les orages d’altitude. Ils sont difficile à décrire, et c’est notamment l’objet d’une série de récits que je publie sur mon site. Celle-ci relate chaque saison orageuse dans la vaste région pyrénéenne et ses alentours.
Avant l’orage règne le silence de la haute altitude, l’esprit est dans l’expectative, c’est le calme avant la tempête. Mais quand les éléments s’abattent sur les cimes, c’est une expérience qui submerge tous les sens et les exacerbe. Ces orages sont bien différents de ceux des plaines, que l’on a l’habitude de connaître – et infiniment plus intimidants. Le tonnerre se déforme jusqu’à parfois se changer en des sonorités d’un autre monde. La pluie, la grêle et le vent vont dévaler des falaises des torrents de gravillons, décrochant parfois des blocs plus massifs des parois ; le déluge fait émaner de la roche et de la neige une odeur minérale unique ; sans mentionner, évidemment, le spectacle qui se joue sous nos yeux. Pendant quelques minutes, parfois quelques heures, le monde extérieur cesse d’exister, et ne subsiste que cette atmosphère primitive et sauvage.

Il y a aussi ce sentiment presque mystique d’assister à des événements dont on ne devrait pas être le témoin. Comme si la montagne se refermait, et que nul ne devait plus s’y trouver.
Et à vrai dire, d’un point de vue plus pragmatique; il me semble important de préciser que c’est un peu le cas. Lorsque je réalise ces ascensions, je tente dans la mesure du possible d’en maîtriser tous les facteurs : je connais déjà le terrain, je sais où est l’abri où je dois me rendre, combien de temps il me faut pour le rejoindre. J’ai affiné mes prévisions jusqu’au jour J. Je sais à quelle heure je dois impérativement être en sécurité, avec toujours une marge confortable.

En bref, je dois savoir où, quand et comment doivent théoriquement se former les orages, pour ne pas me retrouver exposé lorsqu’ils éclateront ; mais aussi être préparé et équipé pour la haute altitude. Il faut aussi savoir interpréter les signes sur le terrain. En effet, la prévision n’est pas une science exacte, d’autant plus en montagne. Enfin, à l’instant T, je dois respecter un certain nombre de précautions. Cela maximise ma sécurité, même si le risque zéro n’existe pas.
Toutes ces raisons expliquent pourquoi j’ai attendu d’avoir amassés des années d’expérience dans ces deux domaines avant de les lier. Car tout montagnard le sait, normalement cette combinaison est à fuir impérativement.


Voir la série complète Terres Perdues | Nocturnes
Maxime Daviron : Site – Facebook – Instagram – Behance
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Le monde minimaliste de Rohit Rattan, frontière entre imaginaire et réalité
Né en Inde, Rohit Rattan est un photographe qui a vu son intérêt pour la photographie naître et grandir à mesure qu’il voyageait. Très vite, il ressent le besoin d’illustrer les créations de son esprit à travers la photo. Son attrait pour les présences humaines dans des lieux inhabités au design minimaliste l’entraîne dans l’expression de son art en noir et blanc. Ses images, bien que simples et épurées, sont porteuses d’un message puissant et pertinent. Elevé au Moyen-Orient, le photographe y puise l’inspiration et y plante l’univers de ses photos. Entre rêve et réalité, Rohit nous transporte dans son monde minimaliste et onirique aux teintes monochromes et aux allures de songe impalpable.

Son univers photographique est à la fois minimaliste et puissant. Ses images sont rendues envoûtantes par la composition singulière et l’atmosphère créée par le photographe.
J’essaie de révéler une perception séduisante de l’espace et de la profondeur par un jeu lyrique de l’espace et des formes, en utilisant l’espace négatif dans les compositions. Ce qui procure au spectateur un sentiment de calme et de sérénité, en interprétant les émotions des moments capturés.
– Rohit Rattan

Une absence de couleur
Rohit joue également sur l’absence de couleur et un décor minimaliste pour explorer la solitude de manière subtile et artistique. Une sorte de retour à l’essentiel qui plonge par la même occasion le spectateur dans une réflexion personnelle.
En tant que photographe d’art, mon travail joue sur le contraste pour induire un monde surréaliste et minimaliste qui nous entoure avec une grande partie d’espace négatif pour amener les gens à voir le pouvoir de la photographie et ce qui reste invisible dans ce monde de saturation numérique.
– Rohit Rattan

Bien qu’il réalise également des photos en couleur, le noir et blanc reste un choix privilégié par Rohit. Il y voit une invitation à l’interprétation bien plus importante qu’avec la couleur. Selon le photographe, la couleur raconte une histoire complète et définie. Lorsque celle-ci se retire, l’histoire redevient incomplète. Cela laisse alors au spectateur la possibilité d’y raconter une partie de sa propre histoire.

Transmettre des émotions
En tant qu’artistes, les photographes peuvent, à travers leurs images, créer un impact sur celui qui observe. Par leurs choix réalisés derrière l’objectif, au moment de la prise de vue ou en post-production. Le rendu devient alors une oeuvre artistique et peut, selon Rohit, « littéralement changer la vie de quelqu’un ».
Le noir et blanc est également essentiel pour moi car – la couleur ne distrayant plus l’œil – le noir et blanc m’aide à mettre l’accent sur l’émotion de manière plus efficace et amplifie la manière dont l’espace négatif est utilisé dans l’ensemble.
Rohit Rattan

Rohit Rattan : Site – Instagram
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Les chats artistes du Théâtre de Kuklachev photographiés par Alexander Khokhlov et Veronica Ershova
Alexander Khokhlov et Veronica Ershova sont ensemble dans la vie comme derrière l’objectif. Les deux photographes russes travaillent en effet régulièrement en duo et sont spécialisés dans le portrait, qu’il s’agisse d’une photographie conceptuelle ou du portrait d’un animal. Ils ont notamment réalisé une série sur les chiens et leur expressivité si particulière. Ils se sont cette fois-ci lancés dans le portrait des chats du seul et unique Théâtre de chats de Kuklachev, créé en 1990. Nous découvrons ainsi encore un peu plus ces petites bêtes, qui nous sont pourtant déjà bien familières.

Fin 2021, Alexander et Veronica ont passé une semaine avec Dmitry Kuklachev, directeur de la troupe unique au monde, afin de photographier ses membres les plus charismatiques.
Nous avons reçu une invitation de Dmitry Kuklachev, qui dirige le théâtre en ce moment, pour réaliser le portfolio théâtral des artistes et nous avons trouvé cela intéressant. Faire un portfolio pour le seul et unique théâtre de chats au monde – c’est une grande opportunité à saisir.
Alexander Khokhlov

Les artistes du Théâtre de chats de Kuklachev
Durant cette semaine, ils ont photographié environ 40 des quelques 100 artistes à fourrure vivant et travaillant dans le théâtre. Forts de leur expérience précédente de portraits de chiens, le couple de photographes était déjà familier avec le portrait animal. Cependant, travailler avec des chats est, selon eux, très différent d’une séance photo avec des chiens. En effet, les chats sont moins émotifs et moins concentrés que leurs camarades canins. Il était pourtant nécessaire de capter au mieux leurs expressions et la personnalité de chaque animal. Pour cela, il faut arriver à les rendre calmes et détendus grâce au jeu.

Jouer avec les chats a permis aux deux photographes de réaliser leurs photos avec des sujets relativement calmes et attentifs. Grâce à leur approche, Alexander et Veronica ont réussi à faire apparaître le caractère et la personnalité de chaque félin. Le résultat est à la fois amusant et touchant. La photo est rendue si spéciale grâce au regard captivant de ces chats, posant face à l’objectif.
Nous aimons vraiment les chats. Et les chiens. Et les chevaux. Tous les animaux ! Il est impossible de faire un bon portrait d’animal si vous n’aimez pas vos héros. Ils sont tous géniaux et uniques et nous les aimons absolument.
Alexander Khokhlov

Alexander Khokhlov : Site – Instagram – Facebook
Veronica Ershova : Instagram – Facebook
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La Grainedephoto Academy expose ses photos futuristes !
Toute l’équipe de Graine de Photographe est fière d’exposer les réalisations de nos talentueux académiciens ! La 14ème promotion de notre GrainedePhoto Academy s’achève à l’issue de ces 6 mois de formation. Rencontres, apprentissage, expression artistique, ces derniers mois ont été particulièrement riches pour nos élèves !
Retrouvez leurs photos exposées dans notre galerie sur l’Île Saint-Louis à Paris du 15 mars 2022 au 17 avril 2022.

Pour cette Academy, nos deux groupes de photographes en herbe ont été challengé sur le thème Futuriste. Guidés et conseillés par les talentueux photographes professionnels Pierre Nicou et Patrick Sagnes, les élèves ont exploré leur propre univers artistique.
Vous êtes les bienvenus pour le vernissage qui aura lieu le jeudi 17 mars à 18h.
Voici une sélection de ce que vous pourrez observer sur nos murs très prochainement :



La Grainedephoto Academy, c’est 6 mois de formation pour débutants et d’apprentissage de l’ensemble des bases techniques de la photographie. Mais c’est également l’occasion de développer sa créativité grâce à différentes thématiques :
Toutes les photos sont exposées à la galerie grainedephotographe.com, sur l’île Saint-Louis à Paris
du 15 mars au 17 avril 2022
14 Quai de Béthune 75004 Paris
(Visites sur demande les lundi, mercredi et vendredi, de 10h à 18h.
Veuillez nous contacter au 09 80 39 42 35 pour prévoir votre venue).
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Le regard sur la ville et la nature de Diana Cheren Nygren
Diana Cheren Nygren est originaire de Boston, Massachusetts. Elle explore, par la photographie, la relation entre l’Homme et son environnement, qu’il soit urbain ou naturel. La photographie a toujours plus ou moins fait partie de sa vie, mais aujourd’hui elle en fait un art. Avec When the Trees Are Gone, Diana combine trois sujets qui lui tiennent à cœur ; les gens à la plage, les paysages urbains et les ciels dramatiques. Cette série, débutée un peu par hasard et par curiosité, a fini par raconter une histoire pour tous ceux qui la regardent. Elle nous offre une réflexion sur la place de la nature dans nos villes et nos vies.

Une photographie artistique
Même si la photographie fait partie de sa vie depuis ses 16 ans, ce n’est que récemment qu’elle la pratique en tant que forme artistique. Étudiante en histoire de l’art à l’université, elle porte un intérêt tout particulier aux femmes photographes. Elle s’inspire notamment des travaux de Diane Arbus et Cindy Sherman.
Après l’université, j’ai échappé à mon travail quotidien sans âme en suivant des cours et en travaillant dans la chambre noire de la New England School of Photography le soir. Non seulement la pratique de la photographie, mais aussi la communauté qui l’entoure, sont rapidement devenues mon refuge.
Diana Cheren Nygren

C’est une fois ses enfants grands et davantage de temps libre que Diana se consacre exclusivement à la photographie. Sans savoir exactement où elle va, elle découvre rapidement qu’elle aime travailler avec des images photographiques pour en créer des nouvelles. Elle aime ainsi créer quelque chose de nouveau, pouvant avoir un impact social plus important.
Elle s’est alors demandé ce que donnerait la combinaison de ses trois sujets favoris, les gens à la plage, les décors urbains et les ciels dramatiques. Diana commence ainsi à photographier sur la plage, elle n’y va jamais sans son appareil photo. Elle insère par la suite, grâce à Photoshop, ses décors et ses ciels. Si les premières compositions ont un fort côté humoristique et absurde, elles ont peu à peu raconté leur histoire. L’ensemble de l’œuvre disait progressivement quelque chose d’important et de compliqué sur le changement climatique.

Une composition minutieuse
Techniquement, la photo se compose de trois images distinctes. Diana photographie les paysages urbains des villes dans lesquelles elle voyage ou lors de ses promenades à Boston. Les personnes présentes sur ses photos, prises à la plage, sont placées hors de leur contexte dans ces paysages urbains.
Photographier les gens à la plage est à peu près mon activité préférée. Dans l’ensemble, ils sont heureux, inconscients, détendus, chacun dans un monde indépendant et autonome. Je pense que l’expérience de passer du temps sur la plage, de communier avec l’océan et de respirer l’air salin, est vraiment profonde. C’est ce qui a motivé en partie ce travail. Que se passe-t-il si vous prenez ces personnes détendues et inconscientes et que vous ne changez rien d’autre que leur cadre ? Si vous les placez en ville, ont-ils l’air différent ou se sentent-ils différents ?
Diana Cheren Nygren

Quant aux ciels, ils sont généralement pris depuis le porche du troisième étage, à côté de son bureau. Ils sont insérés en dernier dans l’image. Chaque photo est prise assez spontanément, au fil des rencontres de Diana, des paysages qu’elle sillonne et des ciels dont elle est témoin. En revanche, la construction de l’image par la suite est une étape minutieusement réfléchie et travaillée. Il faut essayer des combinaisons entre des milliers d’images pour trouver la bonne, celle qui fera la photo parfaite.
Une sorte de version floue de mes archives photographiques vit dans ma tête. Ainsi, je regarde la photo d’une personne sur la plage et je me souviens d’une photo urbaine que j’ai particulièrement aimée et qui ferait un bon décor. Et il y a beaucoup d’essais et d’erreurs. Il m’arrive de devoir essayer une personne sur la plage dans trois ou quatre scènes urbaines différentes avant de trouver la bonne.
Diana Cheren Nygren

Une réflexion sur notre société, la ville et la nature
À travers When the Trees Are Gone, c’est une introspection sur notre société, notre avenir et le climat qui s’impose à nous. Cette série a eu un impact sur la photographe mais pousse également le spectateur à la réflexion. Comment la ville et la nature peuvent s’allier pour enrayer le changement climatique ? Que sera notre avenir dans une société faite pratiquement exclusivement de béton et de goudron ? Cette série a poussé la photographe à réfléchir à ce qui peut changer dans la vie urbaine. Mais également à être plus attentif à l’impact de chacun de nos choix sur le climat.
Ces deux dernières années, en vivant avec ce travail mais aussi en faisant l’expérience de la pandémie, en réfléchissant à la vie urbaine et à sa relation avec le monde naturel, et en lisant beaucoup sur le changement climatique, ma perception a changé si complètement qu’il est difficile de se rappeler ce que je pensais lorsque j’ai commencé ce travail. Mais l’ensemble du processus a eu un impact profond sur moi.
Diana Cheren Nygren


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Interview – Yves Marchand et Romain Meffre immortalisent les théâtres en ruine
Photographes français passionnés par les ruines et les lieux abandonnés, Yves Marchand et Romain Meffre se rencontrent en 2002. Cette passion commune et leur attrait pour l’urbex les invitent rapidement à former leur talentueux duo. C’est d’abord en région parisienne qu’ils entament leurs explorations, chacun accompagné de son appareil photo. Cette coopération les amène à voyager à travers le monde à la recherche de ruines à explorer, à photographier. Avant de consacrer leur appareil aux théâtres américains, ils partent sillonner la ville de Détroit, capitale industrielle du XXème siècle; à la découverte de ses rues et immeubles délaissés, vestiges d’une époque révolue.

Avec la même ambition et soif d’exploration, ils débutent en 2005 un long périple photographique à travers les routes du Nord de l’Amérique. Ils sont alors à la recherche des monuments ayant fait la gloire du théâtre et du cinéma au début du XXème siècle. Ces théâtres américains, lieux d’une vie paraissant lointaine, sont fascinants par leur architecture et leur atmosphère. Nous sentons leur histoire palpable, omniprésente, parfaitement retransmise par les images des deux photographes. Ces théâtres sont, pour une partie, rénovés et transformés pour accueillir des activités diverses, créant un contraste saisissant entre l’ancien et le moderne. Nous sommes partis à la rencontre de Romain et Yves pour en savoir plus sur ce projet ambitieux, illustré dans leur dernier livre photo, Movie Theaters.
Comment vous est venu l’envie de travailler tous les deux, de former votre duo ?
Nous nous sommes rencontrés en 2002 et avons commencé à faire des visites de lieux en ruine ensemble, principalement en région parisienne. Nous travaillions à l’époque au 35 mm, chacun avec notre appareil. Nous nous réunissions souvent pour scanner et travailler sur nos images ensemble. Nous sommes allés à Detroit en 2005 et avons eu l’opportunité de faire notre première exposition l’année suivante; avec les photographies que nous avions chacun réalisées. Nous avons, à la suite de cette première expérience en galerie chacun acheté une chambre photographique 4×5 pouces, qui est le “petit” des grands formats, nous garantissant ainsi encore une certaine mobilité dans nos prises de vue.

Nous sommes repartis aux Etats-Unis pour continuer notre travail sur l’ex-capitale de l’automobile et entamer la série sur les salles de spectacle en octobre 2006. Au fil de ce séjour de 3 semaines, nous nous sommes naturellement mis à n’utiliser plus qu’un appareil pour deux. C’était finalement le moyen le plus logique et efficace de produire un point de vue qui nous satisfaisait tous les deux, scellant donc notre travail en tant que duo.

Qu’est-ce qui vous attire dans ces lieux délaissés, parfois totalement en ruine ?
Cela tient au départ à une curiosité assez candide que beaucoup d’entre nous éprouvent face aux ruines, un mélange entre la répulsion et la fascination face à cet objet, qui nous renvoie directement à notre propre finitude. Lorsque l’on visite, il y a aussi l’excitation de la découverte et de la transgression. On se prend à jouer les explorateurs et archéologues amateurs. Très vite on essaye de comprendre le mystère de ces histoires qui semblent s’arrêter du jour au lendemain… Un mur patiné, qui signifie le passage du temps et une certaine évolution, est bien souvent plus évocateur qu’un lieu neuf, ou patrimoinisé, contrôlé. La visite de ces ruines constitue finalement presque une forme de parcours initiatique. Tout cela se conjugue pour devenir rapidement une “activité” exotique, ludique et passionnante.

Que recherchez-vous à transmettre à travers ces images ?
Nous cherchons à la fois à transmettre le sentiment que l’on éprouve lors de nos visites, et à produire un document historique sur des lieux dont la nature même va les conduire à changer, et malheureusement bien souvent disparaître. À sa modeste échelle, le rôle des photographes et autres explorateurs de ruines; ou de lieux oubliés ou peu documentés; est en quelque sorte d’enregistrer ces vestiges qui demeurent comme la mémoire presque subconsciente de nos sociétés. Et par leur enregistrement tenter de les réintroduire dans le flot de notre mémoire collective.

Pourquoi avoir choisi de vous consacrer aux théâtres pour cette série ?
Nous aimons les édifices spectaculaires qui encapsulent une destinée collective et qui ont eu une importance assez significative pour être construits à des échelles industrielles. C’est évidemment le cas des usines, mais aussi des immeubles de rapport de Budapest par exemple; et notamment les salles de spectacle nord-américaines. Ces auditoriums étaient destinés à séduire et sont donc aussi un fantasme d’architecture exotique et pseudo-historique que nous trouvons toujours émouvant. Les architectures outrancières étaient en quelque sorte presque une recherche d’identité dans un pays de synthèse aussi jeune et éclectique que les Etats-Unis. Ces salles de cinéma ont évidemment une importance culturelle capitale dans nos sociétés. Leur déclin, évolution et ré-hybridation comme supermarché, église, etc… a une puissance symbolique et visuelle très forte.
Que ressentez-vous lorsque vous découvrez un lieu riche d’histoire à l’abandon ?
C’est toujours assez émouvant, spécialement quand le lieu est si intact qu’il est très facile d’y projeter son imagination. Encore plus lorsqu’il s’agit d’une surprise, d’un lieu où l’on n’avait pas anticipé ce que l’on allait trouver. Ensuite, l’expérience de visite d’un lieu à l’abandon est parfois si forte, qu’elle limite notre imagination en tant que visiteur. Il y a parfois une relative tension sur place due aux conditions de délabrement ou d’accès à un lieu. Il faut essayer d’avoir un regard relativement distancié par rapport au lieu. Disons que l’effet sur l’imagination du spectateur, qui découvre ces images avec moins de contexte, est parfois sûrement plus fort que sur la nôtre; ou en tout cas différent.


Yves Marchand et Romain Meffre : Site – Instagram – Facebook
Découvrez Movie Theaters, le dernier livre photo de Romain Meffre et Yves Marchand.
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